Trois ans après Stories from the City , un album massif et charpenté où son écriture prenait de l'envergure sans perdre de sa vigueur, PJ Harvey casse une nouvelle fois la baraque où on la voyait déjà s'installer. Revenant à l'état de nature, elle réapparaît en fille des âges farouches, seule avec ses mélodies de Neandertal, son chant primitif et ses arrangements de peu, qu'elle jette sur sa musique comme des peaux de bête sur les épaules d'un enfant sauvage. Enregistré à la maison, ce disque courageux ne pourrait être qu'un retour au bercail inconfortable dans lequel l'Anglaise aiguisa les chansons de Dry, son pénétrant premier album, ou de l'abrasif 4-Track Demos. Ce n'est pourtant pas si simple. Car les chansons de Uh Huh Her s'épanouissent sous une lumière plus vive que crue, que les premiers disques de PJ Harvey ne projetaient pas : il y a de la joie dans ce disque incommode, explorant à peu près toute la gamme des vertiges amoureux. La joie de cramer une chanson par les deux bouts. La joie de n'en faire qu'à sa tête, son cœur et ses tripes. La joie d'administrer à ses auditeurs de puissants coups de latte (la première moitié du disque, décoiffante) et d'ardents baisers (la seconde moitié du disque, caressante). Uh Huh Her est le premier véritable album de blues de PJ Harvey. Du blues, elle en joue comme tout le monde devrait en jouer aujourd'hui : elle en invoque l'esprit et en réécrit la lettre. Elle en donne sa propre définition, universelle, traduisible dans toutes les langues : jouer du blues, c'est faire avec le peu qu'on a et avec tout ce qu'on est. Au passage, elle démontre aussi que les plus grands musiciens de blues ne sont pas ceux qui souffrent le plus, mais ceux qui jouissent le plus en le chantant. PJ Harvey n'est pas un chaînon manquant dans l'histoire du rock'n'roll ; plutôt un maillon détaché, à part. A chaque fois qu'elle sort un album, l'Anglaise semble se retrouver comme par hasard à la pointe d'une actualité qu'elle ne suit, selon son propre aveu, que d'assez loin. Repoussant les dragons de l'habitude, conjurant à sa façon le refroidissement général des énergies et des imaginations, elle poursuit un combat très personnel qui concerne tout le monde. Cette femme, qui ne croit en rien de ce que la médiocrité universelle nous assène chaque jour, a décidé d'aller voir ailleurs si elle y était, d'exercer une liberté qu'elle a choisie et qu'elle assume jusqu'au bout. C'est ce qui, au-delà même de toute considération esthétique, la rend si précieuse.(Inrocks)
Après la découverte Feist, la confirmation du talent de Shannon Wright et le grand retour de Patti Smith et de sa fille spirituelle PJ Harvey à quelques mois d'intervalles, 2004 s'impose d'ores et déjà comme l'année de la femme... Pour notre plus grand bonheur. Plus inspiré que son monolithique prédécesseur, Uh Huh Herest un nouveau sommet de jansénisme dans la discographie sans faute de l'ancienne fiancée de Nick Cave. Et si l'on respire un peu mieux sur ce septième album, tout ne roule pas toujours comme sur des roulettes, fussent-elles russes, dans le Dorsey. En effet, de blues anguleux dignes de Captain Beefheart en rocks martiaux (on sait depuis toujours que le rock'n'roll est un art), ces treize nouvelles compositions puisent à la même intarissable source que l'inaugural Dryde 1992. En dehors des parties de batterie assurées par le fidèle Rob Ellis, Polly Jean interprète et produit seule pour la première fois, mâtinant certains titres de quelques touches électroniques discrètes. Toutes guitares dehors, The Life And Death Of Mr. Badmouth, Who The Fuck?, le single The Letter et Cat On The Wall contrastent ainsi avec les accalmies salvatrices de Shame, The Slow Drug et You Come Through. Dans un registre très proche du Bad Seeds en chef, l'inconsolable piano de It's Yououvre de nouvelles perspectives pour la belle anorexique, alors que les splendides The Pocket Knifeet The Darker Days Of Me & Him(relégué en fin d'album) plafonnent en haut de palmarès. Essentiellement interprété à la guitare acoustique, The Desperate Kingdom Of Love résume pour finir toute l'inspiration d'un disque littéralement jouissif, chanté d'une voix toujours plus sensuelle par une PJ Harvey en très grande forme.(Magic)
Une fois sortie des brumes de son Dorset natal, la sauvageonne Polly Jean Harvey a beaucoup évolué. D'abord sauvage sur "Dry", elle s'est faite la bête savante grâce au dressage de Steve Albini avant de se transformer en chanteuse de cabaret décadent sur "To Bring You My Love", en dangereuse femme fatale sur "Is This Desire" et enfin en séductrice avec "Stories From The Sea". Son dernier album était beau, orné et enluminé, mais un peu creux en substance. Un bel habit de lumière pop sans contenu. Pour "Uh huh her" PJ se lâche et prend le taureau par les cornes. "Les bandes sonnent comme si elles avaient été repêchées dans un dépôt d'ordures" dit-elle à qui veut l'entendre. Pas de fioriture faut-il comprendre. Mais plutôt que de rebuts, il s'agirait plutôt de joyaux bruts. Les chansons sont crues, primales (parfois primaires) et de mauvaise humeur. Il ne fait pas beau déranger la belle, même quand elle est amoureuse. "The Life And Death Of Mr Badmouth" est à la fois érotique et revancharde, le premier single "The Letter" est sensuel à souhait et flirte avec le scabreux, "Shame" et "The Pocket knife" convaincront tout un chacun que le célibat est la plus belle des solutions amoureuses avant que "You come Through", une ballade simple et parfaite, ne fasse l'inverse. Ce nouvel album est brut de décoffrage et plein de reliefs agressifs et il faut attendre l'instrumental "The End" pour un peu de joliesse. Là où "Stories From The Sea" avait rapidement perdu de son charme, "Hu Huh Her" est plus farouche mais devrait conquérir tous les fans de la première heure. Un retour en forme sans être un pas en arrière, ça se fête. (Popnews)
Il semblait que Polly Jean avait délaissé ses démons pour ‘Stories From The City, Stories From The Sea’, il y a quatre ans. Une magnifique réalisation, certes, mais qui ne collait pas vraiment au personnage de la fille du Dorset et qui se détachait de ses précédents opus hantés par le trouble.
Et voilà le très attendu ‘Uh Huh Her’. Allez hop ! Machine arrière, on oublie vite la surproduction, revenons au blues grinçant et minimaliste qui hérisse les poils. On retrouve Rob Ellis qui accompagne Polly depuis 1991 à la batterie et qui cette fois s’occupe aussi du mixage. Le bruit qui exhale de ‘Uh Her Her’ est sauvage et sexuel. Polly défend parfaitement sa qualité de productrice et on pense inévitablement au ‘4-Track Demo’. Les riffs ont retrouvé leur violence et sa voix, à trente-cinq ans, est meilleure que jamais. Sur ‘Who The Fuck ?’ l’expressivité de son courroux est si puissante que le titre nous semble adressé. Elle dépose la délicatesse de son timbre sur ‘The slow Drug’ comme une confidence dans le creux de notre oreille, c’est un instant magique. La teinte blues du disque entraîne l’auditeur dans l’abîme des dépressions de Polly et il n’est pas toujours évident de la suivre dans sa mise à nu. Outre la guitare au son ténébreux, les textes introspectifs évoquent des amours douloureux, des désirs subversifs et ce perpétuel tohu-bohu qui l’agite et qui nous la rend si mystérieuse. Le tympan masochiste sur les bords s’éclatera sur ‘The Life And Death Of Mr. Badmouth’, ‘Who The Fuck?’, ‘The Letter’, ‘The Slow Drug’, ‘It’s You’. Encore Polly ! (indiepoprock)
Polly Jean Harvey est de retour après presque quatre ans de silence. Tout le monde le sait, le visage de la Britannique s’affiche en première page des Inrocks et son nom squatte les affiches de nombreux festivals. Bref un septième album très attendu mais quand on sait que Polly ne supporte pas la pression suscitée par l’attente des fans au point d'angoisser avant la sortie de chaque nouvel album, on peut s’inquièter pour son état de santé actuel. Que mademoiselle Harvey se rassure, l’attente en valait la peine et les fans seront une fois de plus conquis. La recette n’a effectivement pas beaucoup changé mais apporte sa dose de nouveautés. Des ambiances sensuelles, une voix suave, une guitare rauque et des rythmiques assurées par monsieur Robert Ellis qui suit la brune dépressive depuis ses débuts et qui a également produit ce Uh Huh Her. Un mot sur la production d'ailleurs, nettement plus brûlante que celle du précédent album, qui apporte un certain aspect live à cet opus. Polly se sent à l'aise sur ce disque fait maison, elle prend autant de plaisir à embrasser l'auditeur qu'à lui embraser les oreilles. La démarche est plus que jamais introspéctive mais les ambiances sont ici plus brumeuses, plus érotiques : Pj fait du blues, mais du blues à sa manière. Personne ne maîtrise aussi bien qu'elle l'art de noyer les mélodies et de destructurer les compositions, peu de chanteuses peuvent se vanter d'avoir un timbre de voix à la fois si fort et si fragile. Sa manière d'allier puissance masculine et délicatesse féminine est unique et son chant a énormement gagné en relief depuis ses derniers travaux. Elle se permet même des boucles psychédéliques comme sur Shame et installe des ambiances arabisantes et cotonneuses sur les titres les plus carressants. Pourtant la miss ne laisse pas de côté sa guitare acide, en témoigne le premier single, The Letter, de loin la composition la plus agitée de l’album, ou encore le titre introductif qui trompe l’auditeur sur la véritable nature de ce Uh Huh Her. Pj s’amuse avec les ambiances mais elle stabilise son jeu dans la deuxième moitié du disque où elle laisse transparaître d’avantage son plaisir que ses faiblesses. Il y a de l’optimisme chez cette femme et on aura dû attendre sept albums pour en avoir la confirmation. Moins poli que le multi-récompensé Stories From The City, Stories From The Sea mais plus Polly que n’importe quel autre de ses albums, Uh Huh Her est sans doute le disque qui correspond le mieux à la personnalité de la Britannique. Un bel album, même si aucune réelle surprise ne soit au rendez-vous, on attend de voir le résultat sur scène ! (liability)