Dans le bazar barjo inauguré par Beck, Grandaddy joue du grunge avec des jouets et des symphonies avec les pieds.Un groupe californien dont le bassiste s'appelle Garcia a forcément à voir avec l'esprit du psychédélisme. Dernier avatar du genre, Grandaddy s'est spécialisé dans le foutoir anamorphosé, la musique qui donne l'impression de voir quatre disques en même temps. Jason Tytle, leader de Grandaddy, a perdu les pédales : il mélange des guitares grunge avec du piano ou des synthés ringards dont on a arrêté la production dans les années 80 (cela pour le bien de l'humanité).Il enchaîne des égarements de guitar-hero lo-fi et la chorale des garçons de plage. Sur son 4-pistes, Jason Tytle enregistre surtout ses rêves. A l'écoute de The Western freeway, on a du mal à comprendre ce qui peut se passer dans la tête de ce type. `Il n'arrive pas à se décider : Grandaddy doit-il jouer du grunge, de la musique pour enfants ou des symphonies pour Bontempi ? Un groupe schizo, mais uniquement sur les bords, au niveau d'arrangements qui n'auraient jamais dû se rencontrer. Pour réconcilier tout le monde, Jason Tytle écrit des hymnes pop qu'il chante d'une voix mal assurée. Groupe désordonné, mais harmonieux. On pense alors aux élégants abandons de Pavement, à l'humour pince-sans-rire de Ween, aux idiomes très sérieux et émouvants de Beck Poisoned at Harsty thaï food est-il un renvoi (gastrique) au taco satanique autrefois chanté par Beck ? Parfois, quand les guitares électriques débordent, Grandaddy ressemble à un Crazy Horse dans le coltard. Souvent, ce groupe ne ressemble à rien de connu. Grandaddy fait même du scratch. Sur des disques voilés, restés trop longtemps au soleil. D'ailleurs, le soleil lui-même est voilé. Ce groupe est coincé : sa musique semble produite par un tuner coincé entre deux stations, son chanteur est coincé entre deux états d'âme, lunatique. Il voit passer des cafards en couleurs, des bourdons qui font des vrilles psychédéliques. Jason Tytle est un autre Jay Mascis, un émule lémurien de Neil Young, drôlement doué, mais apathique. Au dernier stade de l'épuisement, il n'a gardé que son sens de l'humour, des blagues musicales qu'il lui plaît de lancer pour les voir retomber dans un élégant fiasco. A la fin du disque, la dernière chanson disparaît dans un crachotis électrique, parce que la bande est finie ou que le générateur vient de tomber en panne. Jason Tytle s'excuse, puis il va se perdre dans la campagne où il enregistre le silence et le chant des grillons cinq minutes de cri-cri en bonus-track. Jason Tytle s'est trouvé des amis. (Inrocks)
Le quintette barré de Grandaddy fait dans la pop de grand-papa et on adore ça. Beatles modernes ou Beck d'époque, on ne sait plus où se situe le cadre de réfé-rences. Aussi, c'est avec joie qu'on découvre Under The Western Freeway et sa série impressionnante de tubes toujours décalées. Le groupe prend le cap d'Oli-via Tremor Control, les investigations psychédéliques en moins. La norme musicale est hors des tablatures et des partitions conventionnelles, l'émotion et la sensibilité priment sur la technique. La vanité est laissée aux vestiaires. Le groupe se laisse vivre comme il laisse vivre ses mor-ceaux. La pop de Grandaddy s'apprécie doublement, bien calé au fond d'un hamac, le regard pointé vers les étoiles et la cause est entendue sur le morceau de conclusion Why I Took Your Advice. L'entêtant gimmick de A.M. 180 fait de cet album un disque à chérir comme le plus précieux des cadeaux. Loin de la lo-fi riquiqui, Jason Lytle et sa bande de dérangés ont enregistré les morceaux chez eux. Impossible de les entraîner dans un quelconque studio puisqu'ils considèrent ces endroits technologiques comme de vulgaires hôpitaux. On veillera donc encore plus sur eux. Reposant, relaxant, inventif, c'est Grandaddy Cool.(Magic)