Dernier vrai rappeur ?

Pour être honnête, ici, il s'agit plus d'une critique de ce qui se passe autour de l'album que de l'album lui-même.
Depuis ses débuts, au sein du collectif L'Entourage ou d'1995, Alpha a toujours été le Thierry Henry de l'équipe, comme le dit si bien Mehdi Maïzi. C'est-à-dire une sorte de bible humaine sur le rap, celui qui connaît tout sur tout. On peut d'ailleurs le constater dans ses interviews, sa connaissance du rap est grande. Est-ce que ça fait de lui un grand rappeur ?
Alpha Wann s'auto-proclame "dernier rappeur qui rappe". Egotrip ou triste réalité ? Si Alpha veut jouer là-dessus ou le pense, tant mieux pour lui. En revanche, que ses auditeurs le pensent, ça devient gênant. Pourquoi ? Parce que Alpha est le dernier rappeur qui rappe, certes, mais qui rappe comme ses modèles ( les Nubi, Salif, Ill et Dany Dan). Admettons. Est-ce que cela mérite pour autant tant d'éloges ?
J'avoue m'être désintéressé d'Alpha depuis un moment à cause de sa fâcheuse tendance à miser beaucoup sur la technique. J'avoue, en conséquence, être sans doute passé à côté de certaines perles mais le rappeur qu'il est devenu ne me donne plus envie de m'y pencher. La technique pour la technique, c'est lassant voire gonflant. C'est bon pour les passionnés ( ça,ça se respecte ) et pour les personnes qui pensent connaître quelque chose au rap sous prétexte d'écouter des textes "bien écrits" ( ça, ça ne se respecte pas ). Alpha est un obsédé des multisyllabiques, des placements etc. Soit. Mais contrairement à d'autres membres de son équipe, il ne souhaite pas faire de compromis et le clame fièrement. Alpha veut rester pur et surtout fidèle à ses références, au rap qu'il aime. Il va même jusqu'à retirer le morceau avec Nekfeu. Là, les gens applaudissent parce qu'il a osé faire ce que personne n'aurait fait. Mais est-ce que ce n'est pas aussi une posture que d'être celui qui ne fait aucune concession et refuse même son pote Nekfeu au succès si communicatif ?
Bien sûr, Alpha n'a pas besoin de ça dans sa démarche. En plus, le morceau n'était pas assez bon d'après lui ( "Quoi ? Il a même refuser Nekfeu ? Ah quand même !" ).
On va me dire que c'est un album pour les passionnés, celui que tous attendaient comme le Messie dans un paysage rap se confondant de plus en plus avec celui de la pop. Mais est-ce que tout passionné de rap doit obligatoirement aimer voir revenir les schémas depuis longtemps dépassés ?
En grand amoureux de Jay-Z, Alpha Wann copie son modèle de business man ( bien qu'il accepte ne pas être disque de platine, "ouah quel perdant magnifique !" ).
Prenons son album. Paradoxalement sa musique devient très calculée, tellement qu'elle manque à mon goût cruellement de charme. Face à la froideur d'un schéma archétypé, je préfère les faiblesses de quelqu'un qui tente de nouvelles choses, quitte à se tromper. La quasi totalité des morceaux reprennent le même schéma : couplets rappés, refrains rappés, couplets rappés. Sans être médisant, je n'ai relevé qu'une note quelque peu inventive sur Olive & Tom avec ce couplet d'"Alpha jeune".
Point positif, Alpha Wann a tout de même passé le cap de la technique pour la technique. Aujourd'hui il se dévoile un peu plus au fil des pistes et écrit même des morceaux à thèmes comme il l'avait fait avec L'histoire d'un type bien, son meilleur morceau pour moi.
Malgré ce cap franchi, l'album est passé dans mes oreilles sans que rien ne retienne véritablement mon attention.
Une question ne me quitte pas : est-ce qu'un tel album reste pertinent aujourd'hui ?
Pour beaucoup j'imagine que oui, pas pour moi. Je reste persuadé que si cet album était sorti à l'époque des Opéra Puccino ou Temps Mort, personne n'en parlerait comme ça.
Alors je ne le noterai pas en-dessous de la moyenne car le tout est bien fait, ça se tient, c'est travaillé mais pas non plus au-dessus car il est loin d'être marquant à mes oreilles.