Le sens du martyre
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Et puis s’est dissipé
Ce presque-haïku qui figure modestement au dos de la pochette dit ce qu’est ici la figure de la Licorne, qui va servir de trame ténue à un album à peine incarné, fait avec trois bouts de ficelle, des arabesques gracieuses et un harmonium. Moins un animal fabuleux qu’un Verbe, insaisissable comme lui, mais fondateur et créateur d’un univers merveilleux aux contours mouvants où il s’incarne fugitivement par fragments de légendes inventées puisant dans un fonds de références auto-constituées.
Androgyne et allusive dans les morceaux où elle apparaît, la Licorne se signale par un tempo dansant nonchalant ou rapide qu’épousent le vibrato tendre et fragile de Bolan et ses visions splendides et saugrenues, valorisé par les percussions inventives et les backings éthérés ou déjantés de Steve Took, pour la première et dernière fois musicien à part entière dans le duo (ou le trio, si on prend en compte la production aussi minimaliste qu’inspirée de Tony Visconti). Ca fait des gargarismes et des arabesques, ça roucoule et ça trépigne, c’est rugueux, c’est soyeux, ça évoque en même temps un oiseau qui s’envole et un cheval qui piaffe, c’est… tribal, antique, futuriste, intemporel. Les autres morceaux, plus en retrait, agissent comme des respirations, simples mais entêtantes, des bouffées de nature et de rêve.
Sans rapport avec la période acoustique de Tyrannosaurus Rex qui restait à la base du rock speedé à la guitare sèche, sans rapport avec la période électrico-guerrière de T. Rex qui devait mener à un cul-de-sac répétitif et finalement dégénérescent - et sans rapport, aussi, avec les autres trips de ses contemporains, Unicorn est un authentique nowhere album, une œuvre à la patine à la fois ancienne et uchronique, dont seul le Decades de Joy Division peut donner une vague idée.
Très variées, ses chansons présentent pourtant, non une cohérence, mais un même air de famille, le genre de capharnaum précieux qui ne se rêve que dans la caverne d’Ali-Baba pour peu qu’on ait en soi le bon sésame. Délicat, insulaire, Unicorn est à l’image de sa pochette : simple et mystérieux, noyé dans un sfumato qui lui donne les contours sereins, moëlleux et imprécis de La Joconde ou de La Laitière. L’oeuvre de deux musiciens qui se savaient beaux mais n’y attachaient pas d’importance, car ils se savaient aussi maîtres et parties d’un univers où tout le monde l’était. Une fugace parenthèse en équilibre entre un monde qui n’a jamais existé et un monde sur le point de disparaître. Un archipel de l’Atlantide.
Magique. Mot paresseux, galvaudé, auquel Unicorn rendit en 1969 un peu de tout son sens.
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Créée
le 4 févr. 2017
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