Charles Gayle – Unto I Am (1995)
Il fallait bien que ça arrive, et ça s’est passé sur « Victo », un petit label avec un catalogue bien free. Charles Gayle en solo, cinq titres et une petite heure. Il joue du saxophone ténor sur trois titres, de la clarinette basse sur le second, « Pastures Colors ». Son premier instrument fut le piano, il en joue sur la troisième pièce, « Eden Lost » et il joue de la batterie, en même temps que du ténor, sur la dernière, « Childs Love ».
Un beau programme, pour être complet il faut également savoir qu’il déclame quelques phrases en même temps qu’il joue du piano, ainsi que sur « Good Sheperd », où il joue également du ténor et de la batterie. Bien entendu ce sont des enregistrements de studio, qui permettent le re-recording, ça s’est déroulé à Montréal le trois septembre quatre-vingt-quatorze.
Parfois on craint l’austérité pour cet exercice difficile, mais c’est certain, Charles Gayle fait exception, c’est lié à sa nature, à son style : il est austère quoi qu’il advienne, quel que soit le contexte, alors un peu plus un peu moins…
Quand il joue, on pourrait croire qu’il s’adresse au public, ou à ceux qui sont là, ou même à lui-même, mais la plupart du temps nous sommes dans l’erreur, car il s’adresse à Dieu, directement, c’est une prière qu’il envoie aux cieux. C’est dire s’il y a de l’enjeu, et s’il y met l’essentiel de lui-même.
Les pièces au saxo ténor sont donc essentielles et particulièrement réussies, sans d’autre partenaire que lui-même, en direct avec le patron, il livre parmi ses plus beaux chants. Bien sûr il n’a pas cette même pratique de la clarinette basse, instrument qu’il pratique moins, mais dont il aime la sonorité noble et grave, propre à diversifier son jeu et à stimuler son appétit de musicien.
C’est également un pianiste talentueux, on pense assez souvent à Cecil Taylor. La bouche est libre, aussi il diatribe, en même temps qu’il joue, je ne maîtrise pas suffisamment la langue pour comprendre les subtilités de son propos, mais on connaît ses débordements, à propos de l’avortement notamment.
Charles est entier, c’est un pack complet de croyances et de foi, il ne mégote pas son engagement, il prend tout, sans faire le tri, ni critiquer. C’est « la foi du charbonnier », il a choisi son camp et n’en démordra point. A nous de respecter tout son être, en même temps que la pureté de sa musique qu’il nous offre, ses visions qu’il partage et l’amour qu’il transmet.