On l'avait un peu oublié, ce charmant troubadour folk, reprenant à son compte, sur son premier album Big City's Secrets de 1996, l'imposante influence des protest-singers folk des 60's Tim Buckley, Bob Dylan ou Neil Young. Un segment idéal pour le label Real World qui l'avait signé, son patron Peter Gabriel recherchant pour chaque continent des artistes pouvant significativement représenter le son de leur pays respectifs. D'où aubaine pour Joseph Arthur, propulsé de l'anonymat à la révélation, vu l'énorme machine marketing développée par Real World. Mais à l'époque où sortit Big City's Secrets, il se fit voler la vedette par plus fou que lui, à savoir le regretté Jeff Buckley. Trois ans plus tard, Arthur ne désarme pas avec ce mini-Lp, sept titres sans ratures à la production maigre, pour jouer, comme qui dirait, sur le terrain de jeux des plus grands songwriters américains actuels, de Beck à Elliott Smith. Soient une voix lasse et séductrice, des chansons aux mélodies alertes, des arrangements malins et pas évidents balançant entre pop et folk, Joseph Arthur balance ses Hang Around Here, Making Mistakes ou Toxic Angel avec la classe et l'inspiration de ceux qui n'ont rien à perdre. Aucune envie de brosser dans le sens commercial du poil, pas de production avantageuse, Arthur pourrait finir dans la peau d'un autre Elliott, du nom de Murphy, si jamais le destin ne se préoccupe pas de lui. On espère un miracle d'urgence. (magic)


On retrouve enfin l'Américain, dont le songwriting grand cru vire ici vinaigre : magnifique, terrifiant."Lit de clous", "Prison", "Faire des erreurs", "Pleurer le dimanche", "Ange toxique". On n'est pas chez Tricky, ex-prince des ténèbres parti pour faire Prince tout court, mais sur un mini-album confidentiel de Joseph Arthur, avant-goût très amer et long en bouche d'un nouvel album officiel annoncé pour le début de l'an prochain. De Joseph Arthur, jeune chanteur à la gueule aussi longue que ses idées, on n'a oublié ni le premier album (Big city secrets, 1996) ni les performances scéniques. Mais ceux qui ont aimé Big city secrets pour ses seules idées de production ne s'y retrouveront pas. Ici, rien de très joli joli, pas d'ingéniosité, rien d'époustouflant (cet affreux mot qui se termine par flan et se dégonfle avant qu'on ait fini de le prononcer). Joseph Arthur se rappelle à notre bon souvenir sous la forme d'un caillou dans la chaussure, d'un cheveu fourchu dans la soupe. Décharges électriques, acoustique barbelée, terreur sèche et brutale : le grand cru a tourné vinaigre, Joseph Arthur joue désormais sur la longueur d'ondes parasitées de Bob Mould ou Lou Barlow, dont le malheur a fait jadis notre bonheur. Joseph Arthur ne va pas bien, il en a plein le Sentridoh, autant d'humeurs à purger que Steve Westfield, Smog ou Dinosaur Jr de la grande et triste époque. Fidèle à une certaine esthétique de l'agression sonique et du mal fichu, voilà un disque qui redonne le sourire. Et, un peu, la bave aux lèvres. Chanteur de poix, Joseph Arthur souffre un peu de tout, sauf de nanisme mélodique. Ce Vacancy au bord de l'amer est une vraie collection de tubes de l'été à destination de ceux qui ont toujours détesté les tubes et l'été. Sur le plan de l'écriture, Joseph Arthur n'est pas très éloigné d'Elliott Smith, par exemple. Mais la façon dont Joseph interprète ses mélodies amène à penser une fois de plus qu'Elliott n'est rien d'autre qu'une toute petite fille qui aime bien jouer à la dînette. Joseph Arthur a toujours beaucoup d'idées (cette production humide et oxydée, comme s'il avait enregistré dans le radiateur d'un vieux camion accidenté, ou dans un aquarium à piranhas dont personne n'aurait jamais changé l'eau), mais elles sont invariablement noires. Le sommet du gouffre est atteint sur Prison, jeu de miroirs soniques brisés qui rappelle le déferlant Beaster de Bob Mould. Pour le single (en long), on pense tout affectueusement à Crying on Sunday, dégueulis country-rock plein de bile et de grumeaux qui ressemble à ce qu'aurait chanté Hank Williams s'il avait vécu à l'époque du Crazy Horse. Crying on Sunday en particulier, et Vacancy en général, c'est du Joseph Arthur white-trash, qui donne envie de se laisser tomber les dents, de porter des vestes en jean avec des clous dans le dos, de dégommer des chats à la carabine à plomb, de manger des spaghettis au chocolat en prenant son bain du mois. En bref, c'est flou, bougé et mal torché comme Gummo, et tout aussi mémorable. (Inrocks)
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le 10 mars 2022

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