Les somptueuses harmonies folk seventies des Fleet Foxes sonnent un peu trop old school à votre oreille ? Les incantations et empilements sonores électro-psyché d'Animal Collective vous tapent sur le système ? Grizzly Bear est peut-être pour vous. Moins expérimental qu'auparavant, le quatuor de Brooklyn privilégie aujourd'hui les mélodies sans pour autant abandonner l'élaboration d'un univers sonore touffu, différent. D'évidence, Veckatimest bénéficie de la recherche d'épure de Daniel Rossen dans son projet parallèle, le duo Department of Eagles.Prenez Southern Point, qui ouvre l'album. On n'est guère loin, comble pour un groupe de l'East Coast, d'une sorte de Jefferson Airplane sans acidité enrichi de ce néo-tribalisme rythmique et de l'instrumentation éclectique qui caractérisent la scène actuelle. Plus loin, le lancinant All we ask, porté par la voix fragile de Rossen et ses délicates orchestrations, est tout simplement magnifique. Ailleurs, Grizzly Bear réussit, dans ses meilleurs moments, un joli tour de force : être incroyablement dense et organique à la fois. Bien sûr, la richesse de Veckatimest, pour en apprécier toutes les subtilités, requiert une écoute attentive et répétée. Mais c'est la seule réserve qu'il inspire. Comme jadis les parfois trop brillants artisans anglais de XTC interdisaient de s'abandonner avec légèreté à leur pop ambitieuse, Grizzly Bear se mérite. Ses douces mélopées n'ont rien de l'easy listening.HC
Grizzly Bear est un éloge de la lenteur. Le groupe est, dès ses premières apparitions, réputé génial. Mais son premier album, Horn of Plenty, n’obtient qu’un “succès d’estime”. Sa suite, le mirifique Yellow House, a failli ne pas faire beaucoup mieux, même si la brigade des fans croissait joliment et si la critique chialait d’amour. Le miracle est né de très longs mois après la parution de Yellow House, il s’appelle Radiohead : en les prenant sous leur aile, en se déclarant fans, en les emmenant en tournée, leurs évidents cousins anglais les ont plongés dans la lumière. Il fallait offrir une suite à Yellow House. Le groupe ne s’est pas pressé, faisant les choses à son rythme, artisanal. Veckatimest fut sans doute l’un des disques les plus bruyamment attendus de l’année. Aucune déception. Grizzly Bear est, c’est désormais certain, un grand groupe. Un très grand groupe. Et un groupe courageux : plutôt que de creuser à nouveau la veine de Yellow House, sombre et doucement expérimentale, le groupe se prend lui-même à contre-pied. Joue plus collectif, s’essaie à la pop – avec des chansons de cinq minutes en moyenne, pas beaucoup moins complexes que les précédentes. Il choisit la lumière plutôt que les abysses, l’air de l’espace plutôt que l’humidité de la cave. Et il s’empare à pleines mains de beautés neuves, tout aussi fascinantes que celles de Yellow House. Dans des forêts lumineuses, des circonvolutions gracieuses, des arrangements et harmonies diaboliquement précis, dans la ouate mousseuse de ces mélodies et chants sans pesanteur, tous ces morceaux hantent l’esprit comme des spectres merveilleux, flottent dans le printemps comme des fées bénies. (Inrocks)
Nul doute que cette année a été, est et sera celle des "attendus au tournant". Pour vous situer l'affaire, au tout début de l'histoire de l'ours il n'y avait qu'Ed Droste et Christopher Bear qui avaient enfanté, "Horn Of Plenty" (réédité avec des remixes en 2006). "Yellow House" où s'ajoutent Chris Taylor et le génial Daniel Rossen sort en 2006, et l'engouement pour Grizzly Bear prend. Dans un genre un peu particulier qu'est le folk expérimental agrémenté de quelques pétages de plombs rock, le quatuor de Brooklin a réussi l'impensable : convaincre Warp de signer une formation qui n'est pas électro. Face au succès de "Yellow House", le groupe sort en 2007 "Friends EP", regroupant des remixes et inédits. Chœurs lointains, arpèges en écho, batterie en retrait, chansons alambiquées qui se meuvent en petites berceuses, voici ce qui caractérisait jusqu'à présent leur univers. Department Of Eagles lancé parallèlement, a permis à Daniel Rossen (avec Fred Nicaulaus) de canaliser une certaine idée de la pop bricolée, sans pour autant s'installer dans un schéma classique de couplet/refrain, dont chaque membre de ce collectif poilu semble s'interdire. "Veckatimest" sort donc dans ce contexte particulier, puisqu'il été largement leaké avant sa sortie, et que le buzz a rapidement pris avec le single Cheerleader. Sur ce deuxième album Grizzly Bear est allé chercher des sons plus pop-rock, désarticulés, avec l'introduction d'effets très travaillés. Dès l'introduction de Southern Point on se croirait dans une série des années 60, on est propulsé par une mélodie où la guitare raisonnent comme les battements de cœur d'un homme poursuivi en pleine ville. Rapidement ce morceau surprenant monte en puissance, via le dialogue sans fin entre une basse, des effets de batterie haletants, et quelques violons timides. L'expérience Department Of Eagles a fortement marqué le groupe (ce qui a déjà été ressenti avec l'excellente Deep Blue Sea présente sur la compilation Dark Was The Night). Les compositions ont incontestablement gagné en puissance, en portée, et en accessibilité à en juger par Two Weeks plutôt convaincant dans ses mélodies lumineuses et entraînantes (me rappelant beaucoup l'intro de Snakes Got A Leg III de Sunset Rubdown), ce qui étaient moins évident sur "Yellow House". Grands amateurs des chansons à deux temps, souvent inversés, on retrouve ces étrangetés comme All We Ask ou la superbe Fine For Now, qui prennent tout leur sens après plusieurs écoutes attentives. On en arrive à Cheerleader, qui laisse penser par sa basse et sa batterie vives qu'on va passer un pur moment de pop, alors que le titre s'avère être assez loin de ses promesses et profite de cette ambiance d'entre deux eaux pour apaiser nos âmes. Suivent quelques écorches biscornues comme Dory qui glisse tranquillement vers une mélodie monstrueuse et effrayante, sortie de nulle part, et ne manquera pas de vous enfoncer un peu plus dans votre siège. About, Face, ou encore While You Wait For The Others et I Live With You donnent au ballon Grizzly Bear plus d'altitude. Le tout se finissant sur une balade magnifique au piano (Foreground). Avec cet album, sorte de délire freak-folk doté de bruitages fascinants pouvant rebuter au premier abord, Grizzly Bear ne faillit donc pas à sa réputation. La voix de Daniel Rossen et son sens de la mélodie, arrivent à convaincre, il règne un foutoir qui sent parfois la composition sur l'oreiller, sans vrai fil conducteur, mais les mélodies prendront du temps pour s'installer dans vos têtes et coeurs. "Veckatimest" est donc un album à prendre avec des pincettes, à écouter plusieurs fois avant de se déclarer, à savourer, tant il déploie au fil des écoutes des nappes de sons passionnantes et des effets épidermiques inattendus. Il est probablement un album difficile à appréhender, tantôt trop fort, tantôt trop froid, nous laissant nager dans la plus grande incompréhension. Cet disque est surréel, surprenant, insupportable puis génial. La musique n'est peut être pas toujours faite pour être décodée avec exactitude ? C'est ce qui forge souvent les grands disques. (indiepoprock)
Arrivé discrètement sous la forme d'un tandem susurrant de diaphanes mélodies éclaboussées d'électronique (Horn Of Plenty, 2006), enrichi, quelques mois plus tard, de deux nouveaux membres, Grizzly Bear sortait le clair-obscur Yellow House (2006), un cocon soyeux abritant des compositions intimistes et plus élaborées, générant une chaleureuse et apaisante douceur. Le quatuor, galvanisé par la reconnaissance de ses pairs (Paul Simon, Jonny Greenwood, Kieran Hebden et, bien évidemment, l'ensemble de la faune brooklynienne) a manifestement gagné beaucoup d'assurance en se produisant sur scène en compagnie de Feist, Radiohead ou encore TV On The Radio. En effet, la chrysalide s'est aujourd'hui métamorphosée en un magnifique papillon aux ailes chatoyantes, enchanté de disposer de tout ce nouvel espace, pour virevolter, piquer des têtes, faire des loopings… Sans se départir une seconde de l'étrangeté lumineuse et parfaitement originale de leur écriture, Veckatimest voit Ed Droste, Christopher Bear, Daniel Rossen et Chris Taylor faire (enfin ?) sonner les guitares et laisser rebondir les basses replètes. S'adossant en outre sur des rythmiques plus présentes (étonnamment jazz, quand on les isole de leur contexte), et en dotant le tout d'orchestrations sophistiquées et d'enluminures vocales, les New-Yorkais atteignent avec une aisance déconcertante la somptuosité des ballades des Lee Hazelwood, David Axelrod, Scott Walker, Van Dyke Parks ou encore David Bowie (Southern Point, Fine For Now, About Face, I Live With You). Le plus étonnant et le plus délicieux au sujet de ce futur classique, troisième volet d’une discographie exemplaire, tient dans le fait que ce n'est qu'après plusieurs écoutes que l'on percute véritablement. Sans avoir l'air d'innover et sous une présentation de prime abord assez traditionnelle, Grizzly Bear a totalement ignoré le format réglementaire du genre (couplet-refrain-couplet), aboutissant à une véritable science du décalage. The Flaming Lips, Mercury Rev et tous leurs clones n'ont désormais plus que leurs yeux pour pleurer leur gloire passée. Les rois sont morts et enterrés, vive sa majesté Grizzly Bear ! (Magic)
De l'eau ayant coulé sous les ponts, il est temps pour POPnews de traiter l'HHHHHAlbum de l'année par le biais de ma plume évidemment gracile. Distinguons dès l'abord deux styles de disques puissamment recommandés : l'album de l'année, rompu sous les écoutes et distingué par les rédactions après d'âpres transactions entre chroniqueurs, à ne pas confondre avec l'HHHHHAlbum de l'année désigné d'une voix divine et d'un doigt vengeur à la foule de journalistes rock forcément transis s'agenouillant pour recevoir la manne. "Veckatimest" fait partie de la seconde catégorie. C'est un disque incontournable au sens où il bouche le paysage et oblige à se triturer les méninges pour en retirer des effluves non volatiles. En un mot, "hype".Un rapide tour de la critique française accorde diverses qualités à Grizzly Bear par le biais de "Veckatimest", principalement de bénéficier des largesses de Radiohead, mais aussi de travailler très dur en studio, et enfin de s'éloigner de ce format pop si restrictif (pensez ! Un refrain et des couplets, qui a besoin de ça ?). Pour le reste, flou artistique. Pitchfork, supporter n°1, n'est pas plus disert mais il enrobe mieux pour un résultat similaire : "Veckatimest" serait un grand disque parce que c'est un grand disque. CQFD ? Plongé dans une expectative grandissante, je décide d'appliquer le système mathématique du site indie et prends ma calculette - remisée au grenier depuis un bien douloureux Bac C - pour quantifier le ratio plaisir/écoute du chef-d'oeuvre. Qu'advient-il ? Une moyenne de 5,1 contre 9 chez Pitchfork. Deux options : soit je suis un vilain petit canard (hé, c'est vrai !), soit tel Bérenger dans Rhinocéros, je résiste malgré ma faible constitution à l'épidémie de veckatimite. Essayons de nous pencher avec oh... à peine un peu d'attention sur l'objet récemment intronisé par Télérama. Premier point : "Veckatimest" n'est pas un mauvais disque, on peut en convenir assez rapidement, tout comme il est relativement aisé de se rendre compte que c'est loin d'en être un très bon. Malgré/à cause de sa sophistication, il tombe vite des oreilles. Bon, j'ai l'air de faire la fine bouche mais avec ma naïveté coutumière, j'ai suivi le mode d'emploi détaillé ici et là : à écouter de façon répétée et recueillie. Seulement voilà, après dix-douze écoutes, rien, nada, "Veckatimest" ne s'imprime pas. Ou plutôt il s'imprime par endroits. "Two Weeks", single fièrement lancé en éclaireur, est tout ce que son contenant n'est pas : direct, enjôleur, presque aussi irrésistible avec sa vibration sixties que "No One Does It Like You", meilleure chanson écrite par l'un des Bears, Daniel Rossen sous pseudonyme des Departments of Eagles. On peut aussi accorder deux accessits à "Ready, Able" et "I Live With You", qui ménagent des envolées appréciables (bel orgue très "Bal des Laze" du premier, jolis flûtiaux sur l'orage du second). L'envolée - et c'est là le mal - se porte un peu lâche chez Grizzly Bear, comme un cache-poussière. Il y en a partout, dans les coins, orchestrales, vocales. Qui sait si les silences, nombreux, ne sont pas des envolées cachées ? Un morceau de Grizzly Bear, en gros, d'abord c'est plat, puis ça saillit et enfin, ça redevient plat. Moi, ça me rappelle quelque chose, mais j'ai sans doute mauvais esprit. "La coupe de ses sens lui parut déborder", écrit Henry James dans "Les Ambassadeurs", auteur que ces jeunes gens chics, WASP, upper-class (supputons) apprécient sûrement. Mais ce n'est pas avec "Veckatimest" que notre coupe à nous va chavirer. Elle aurait même tendance à s'évaporer, frappée d'un sirocco asséchant. Grizzly Bear a beau soigner à l'extrême sons et arrangements, sa musique est émotionnellement frigide. Voilà quarante ans, Van Morrison croisait des boutures folk et jazz dans un album également pop qui transporte encore aujourd'hui : "Astral Weeks" au titre aussi magique que ce que l'on y entend. "Veckatimest", quant à lui, aussi abscons que son blaze, sue beaucoup sur plein de notes, s'autorise quelques décharges rock genre "hum, trop de sève" et n'accouche que de bâillements polis."You could hope for substance" chante Ed Droste sur "While You Wait For the Others". Cette substance quintessentielle, on l'avait goûtée sur le précédent "Yellow House" avec notamment ce grandiose "Plans" aveuglant comme une pyramide escaladée pour un sacrifice humain. Le seul sacrifice ici est celui d'un talent placé en berne qu'on espère revoir très vite. En attendant, foin d'album de l'année, "Veckatimest" est l'album de l'ennui. (popnews)