Depuis quasiment aussi longtemps que j'écoute de la musique, je cherche - sans trop savoir pourquoi - un album dont je pourrais aimer chaque chanson, sans exception. Je crois l'avoir trouvé avec "Vessel". En fait, je n'ai pas tout de suite eu le coup de foudre. J'ai accroché instantanément sur certaines pistes ("House of gold", "The run and go", "Migraine") ; d'autres ont mis un certain moment à "grow in me" : "Car Radio", "Guns for hands", "Trees". Mais, vous l'aurez compris, j'ai fini par tout aimer. Ce qui me fascine dans cet album, c'est l'incroyable créativité au niveau de l'instru, des mélodies : encore aujourd'hui, après des dizaines d'écoutes, j'arrive à être surpris par tel ou tel pont, telle ou telle transition qui m'avait échappé. On dit souvent que Twenty One Pilots détonent par leur éclectisme, ce qui est objectivement vrai ; le paroxysme de cette pluralité musicale est selon moi atteint avec "Vessel". Flagrant, vous en conviendrez, est le contraste entre "House of gold" et "Car Radio", semblant appartenir à deux univers totalement différents.
Et c'est ce genre d'oxymores qui rend "Vessel" unique à mes yeux - disons, à mes oreilles. On peut aimer chaque chanson à sa manière, pour des raisons aussi différentes que l'originalité des paroles, la mélodie ou les variations de rythme. "Ode to sleep", en parlant de variations de rythme, est sans doute ma chanson préférée de l'album : elle m'apparait comme un petit bijou d'insolence, en plus d'être manifestement sortie des tripes de ses compositeurs. Il est évident que "Blurry Face" a fait accéder le groupe à un tout autre niveau de popularité - c'est un euphémisme - mais l'album en question frôle à peine le génie de ce "Vessel", au final. Non qu'il soit mauvais, mais d'un album à l'autre, Twenty One Pilots semble avoir délaissé la lumineuse irrévérence de 2012 pour un disque autrement plus radiophonique sans doute - mais forcément moins rond, moins profond.
Si "Vessel" ne me déçoit sur une aucune chanson, c'est parce que comme une grande majorité de la population mondiale, je suis allergique à l'ennui et à la redondance. Dans cet album, je me sens toujours emporté, titillé, surpris, d'une manière ou d'une autre, à plus ou moins grande échelle, malgré mes nombreuses écoutes. Il y a quelques jours, "Trench" est sorti, une jolie réussite à mon sens plus aboutie que "Blurry Face". Mais le petit bijou qui nous intéresse ici garde la palme d'or dans mon coeur, pour toute son énergie, sa folie, sa fougue. Sans doute que les Twenty One Pilots ne seront plus jamais assez jeunes pour oser à ce point.