Vexations
7.3
Vexations

Album de Get Well Soon (2010)

Il y a deux ans, on faisait la connaissance de Konstantin Gropper sur un disque tarabiscoté dans son titre (Rest Now, Weary Head! You Will Get Well Soon) et dans ses orchestrations, de véritables tourbillons soufflés par un vent épique. Pour être plus précis, on découvrait alors Get Well Soon, un groupe qui cachait bien son jeu. Car comme Owen Pallett se planquait jusqu’à peu derrière le pseudo de Final Fantasy, Zach Condon derrière Beirut ou Neil Hannon derrière The Divine Comedy, Get Well Soon est la création d’un seul illuminé, qui joue d’à peu près tous les instruments, perfectionnisme oblige. A l’instar de ces cousins éloignés, Konstantin Gropper a le chic pour cristalliser en pop-songs alambiquées des structures a priori incompatibles. Chantés uniquement en anglais, ses deux disques entremêlent des élans baroques, des ritournelles importées des Balkans ou du rock orageux, parfois sur un seul morceau (de bravoure). Tout s’éclaire quand on apprend que ce jeune homme sensible aime composer en ermite, barricadé dans sa chambre pour mieux fantasmer en musique le monde extérieur, l’immensité majestueuse d’un paysage ou la houle d’un océan en pleine tempête. Une métamorphose semblait se profiler quand Konstantin Gropper a commencé à dévoiler son deuxième album, Vexations, avec un making-of vidéo. Une scène se déroule derrière chez ses parents, dans un petit village près du lac de Constance. Droit comme un i, micro en main, il est planté en plein coeur de la forêt et enregistre les sons qui l’entourent. C’est dans cette atmosphère idyllique que s’ouvre Vexations, avec une chanson pourtant nommée Nausea (“la nausée”). Les oiseaux gazouillent, une brise caresse les branches. On s’attend à tout moment à voir débarquer le petit chaperon rouge. “J’ai eu besoin de sortir pour capturer la nature mais le processus d’écriture reste le même, explique-t-il. Cloîtré dans ma chambre, je continue à composer en jouant de tous les instruments.” Surprise : cette fois, il a demandé à d’autres musiciens de jouer ses partitions, bourrées de consignes draconiennes. “Ça ne m’a pas dérangé de confier ma musique à d’autres. Sur le premier album, je n’avais pas pu franchir cette dernière étape et maintenant il me paraît inachevé. Ce lâcher- prise m’a ouvert à l’imprévu.” Depuis son premier album, Konstantin Gropper a signé la bande originale de deux films, déménagé à Berlin et arrêté ses études de philosophie et de littérature pour se consacrer entièrement à Get Well Soon – avec un papa professeur de musique, il a été élevé à dure école. “Je me sens parfois incompris, avoue-t- il. Les gens trouvent ma musique bien plus sombre qu’elle ne l’est à mes yeux.” Car en choisissant un nom comme Get Well Soon, soit en VF “Prompt Rétablissement”, Konstantin Gropper gorge ses délicates compositions d’un message d’espoir – celui que la musique puisse soigner toutes les plaies. (inrocks)


Après un premier album qui fit l’unanimité tant il laissait parler la profondeur de sa musique et son indéniable talent de multi instrumentiste, Konstantin Gropper s’est offert une place de choix au sein de cette cour des grands de la pop, dans laquelle il était entré par la petite porte. Celle que choisissent souvent les artistes humbles et émergents, qui préfèrent que leur musique se dévoile avec le temps plutôt que d’être aussi vite oubliée qu’écoutée. Ainsi, Get Well Soon n’est pas de cette pop grand public et formatée, mais bien de l’autre: poétique, émouvante, et orchestrée avec la plus grande application. Preuve en est “Vexations”, plus sombre que son prédécesseur, une nouvelle fois frappé d’une infinie richesse musicale et d’une intelligence rare. Une thématique – celle de la contrariété, sentiment qui selon lui persiste profondément à tout âge de la vie – des textes inspirés de notes prises à la lecture de philosophes, Get Well Soon fait une nouvelle fois parler son œuvre avec des mots aussi justement choisis que chacun des instruments qui viennent les colorer. Quand ce n’est pas l’inverse au sein de ce disque ou rien ne va sans l’autre. Par exemple, “Nausea” témoigne de l’importance de prendre ses distances avec nos perspectives d’enfant, “Seneca’s Silence” relate la mise en scène de son propre suicide dans une ambiance à la fois légère et lumineuse, “We Are Free” expose sa notion de liberté pendant que cuivres et choeurs ouvrent l’horizon, alors que le beau mais soporifique “That Love” préfère celle d’avoir à s’autodétruire pour se sauver. Tout un programme. Mais Get Well Soon brille tout autant si on veut ne considérer que sa musique, le désintellectualiser un peu, et le rapprocher des travaux pour le cinéma que Gropper mène en parallèle (il a composé la bande originale de Rendez Vous à Palerme, film de Wim Wenders). A ce petit jeu, “Red Nose Day” aux seules cordes (guitares et violons), ou le brillamment orchestré “5 Steps / 7 Swords” ont leur mot à dire. Plus encore, certains titres conjuguent magnifiquement chacun des atouts croisés sur ce disque et redessinent de ce fait sur la carte des chemins pop trop peu souvent empruntés. C’est le cas des symphoniques “We Are Ghosts” et “A Voice In The Louvre”, parfaits reflets de l’aspect majestueux que peut prendre la musique de Get Well Soon, définitivement vibrante et adulte. (Mowno)
« Par une belle et claire matinée de printemps, j'allais dans la forêt ramasser du bois, quand j'ai buté sur une racine à forme étrange... » La voix féminine semble ouvrir un conte pour enfants. Le deuxième recueil du collectif berlinois Get Well Soon est évidemment tout autre chose. Plus souvent qu'à son tour, il semble regretter de ne pas être un film - et glisse des allusions cinématographiques afin d'enfoncer le clou. Mais il a tort. Si la voix de Konstantin Gropper a quelque chose de théâtral (on y entend les traces de David Bowie ou Scott Walker), seule la musique sait comment donner du nerf, du sang, de la matière à ses rêves, aux fantômes qui les hantent. La belle et claire matinée de printemps s'oublie dès qu'on plonge de Nausea en Seneca's Silence. La suite est un voyage autour d'une chambre obscure, dont les accents parfois martiaux (We are free, plus loin We are ghosts et ses choeurs de farce gothique) finissent par céder à une mélancolie très européenne. De mémoire ancienne (Leonard Cohen) ou récente (The National), on trouvera des antécédents à l'opéra macabre ici déroulé avec les moyens d'un rock sans âge, étoffé de quelques fioritures orchestrales. Sur scène, Get Well Soon donne une mesure plus immédiate encore de sa puissance. Mais Vexations distille un venin dont on recommande les prises répétées : l'emprise de Gropper et de ses chansons n'a l'air de rien la première fois, puis un beau soir vous voilà fait. Enveloppé par les violons de A Voice in the Louvre et subjugué par Angry Young Man, son concentré de peurs et de douleurs sous mélodie aérienne et tempo léger, ultra-contemporain. Suivez ce groupe (télérama)
bisca
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le 27 mars 2022

Critique lue 31 fois

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