Un jour Arno ne sera plus là et je serais infiniment triste. Le chanteur belge se sait déjà malade lorsqu'en 2021 il enregistre avec le pianiste de la scène rap française Sofiane Pamart cet album piano/voix dans lequel il reprend plusieurs titres emblématiques de son répertoire. Des versions épurés jusqu'à la moelle dans lesquels la sensibilité à fleur de peau et la voix cassée du Tom Waits d'Oostende prennent une nouvelle dimension qui donne la chair de poule. Vivre , un titre comme une profession de foi pour le chanteur atteint d'un cancer du pancréas qui sans se départir de son éternel malice d'adolescent s'amuse à dire qu'il "faut vivre aujourd'hui, hier est mort et demain n'existe pas".
Au fil des quatorze titres de l'album souvent débarrassés des oripeaux de leurs arrangements rock n'roll Arno gagne en profondeur et en émotion. Si le magnifiques Les Yeux de Ma Mère déjà minimaliste à l'origine ne s'offre pas de grands bouleversements d'autres titres se révèlent d'une déchirante émotion comme Tatouage du Passé, La Vie est une Partouse, Solo Gigolo, Elle Adore le Noir ou Lonesome Zorro. Seul le titre Putain Putain, véritable hymne à la gloire de l'Europe peine à s'affranchir totalement de son énergie rock avec une version qui même avec une ligne de basse ne fera pas oublier l'original. Et puis bien sûr il y-a le titre Je Veux Vivre que j'ai du mal à écouter sans avoir la chair de poule et les larmes aux yeux tant il ressemble à une déchirante supplique " Je veux vivre dans un monde sans papiers / et où mon foie arrête de pleurer - Je veux vivre dans un monde sans cholestérol / Avec une overdose de Rock'n'roll".
Deux ans après avoir quitter la scène avec un dernier concert au Trianon à Paris la veille de son opération, Arno revient sur scène pour défendre Vivre devant son public. Fatigué, amaigri, les traits tirés, le visage creux, assis sur une chaise mais toujours bien debout Arno a offert une série de concerts à guichets fermés en Belgique, s'offrant même la participation de Stromae pour chanter Putain Putain sur des riffs de guitare à faire danser la mort. Et quand Arno chante les Yeux de sa mère avec la voix encore un plus éraillée qu'à l'habitude, avec la sensibilité un peu plus à fleur de peau, avec toute cette fragilité qui semble un instant habité cet immense artiste rongé par la maladie redevenant un enfant, c'est dans les yeux clairs tristes et malicieux de l'artiste que l'on voudrait ne jamais voir s'éteindre la lumière.
Hier est mort, demain n'existe pas, Arno est en vie et en live et c'est bon à pleurer : https://www.youtube.com/watch?v=kk6-4uX51yo