Watershed par Claire Magenta
Depuis 1995 et leur album Orchid, Opeth convie l'auditeur à un mélange des genres qui sur le papier appelle à la vigilance. « Hybride casse-gueule » ou pire produit « Appellation d'Origine Indigeste », cette rencontre entre un death metal racé made in Sweden et un rock progressif n'a pourtant fort heureusement peu de liens avec son cousin scabreux, le metal symphonique. Loin d'être pompeuse, la musique proposée par Opeth évite les pièges et caricatures liées au terme progressif.
Watershed se démarque en premier lieu par la présence de deux nouveaux membres, le batteur Martin Axenrot et le guitariste Frederik Åkersson. Après un Ghost Reveries qui divisa une partie des fans, Opeth continue donc de creuser le sillon progressif avec cette fois-ci une incursion plus 70's voire psychédélique tant au niveau du son que de l'instrumentation. A vrai dire, pour celui qui connaîtrait déjà un minimum son manuel du rock progressif des 70's, avec un tel descriptif, un début d'appréhensions sembleraient légitimes, non ?
L'album s'ouvre par l'inhabituel Coil, inhabituel car ce titre est totalement acoustique (avec en supplément quelques arrangements un peu « flonflons » qui auraient gagnés à être évité), monsieur Åkerfeldt de sa belle voix clair étant accompagné pour l'occasion par la dénommée Nathalie Lorichs. Mise en bouche sinon discutable, du moins étrange, mais vite oublié par Heir Apparent où nous retrouvons l'Opeth classique : une belle introduction aux guitares rugissantes croisant un piano discret mais mélancolique, quelques changements de rythmes bien sentis avec une guitare acoustique, une flûte et des growls death (seule chanson à ne contenir que des growls, les autres chansons de Watershed alternent voix clairs et growls), le tout avec suffisamment de classe pour que le mélange ne nous donne pas d'indigestion. Bon point.
Il en est tout autre de The Lotus Eater. Certaines parties viennent « polluer » la dite chanson. Si vouloir s'inspirer de ses aînés est une louable idée, encore faut il bien savoir choisir ces derniers. Et dans ce cas, le préposé n'a pas, semble t-il, les mêmes affinités. Le morceau est bon (du moins sa première partie), le break à partir de la quatrième minute l'est tout autant, mais il en est tout autre des claviers deux minutes plus tard (Åkerfeldt aurait-il trop écouté Deep Purple ? Dommage, mais n'allons pas trop vite). Certes, ceci ne dure pas bien longtemps, à peine quelques secondes, il n'empêche. Quant au titre suivant, Burden, il confirme la touche Deep Purple et ce lyrisme maladroit. S'inspirer du travail de John-Paul Jones aurait sans doute été plus louable que reprendre les plans de Jon Lord.
Histoire de se calmer un peu avec les quelques expérimentations, la chanson Porcelain Heart, choisie à juste titre comme single (par son aspect mainstream), recadre les égarements précédents, au même titre que le riche et mélodique Hessian Peel. L'album se clôt par un honnête Hex Omega, où cette fois-ci l'influence 70's se veut beaucoup moins présente que sur les chansons incriminées (cependant le morceau est vite oublié).
L'édition spéciale contient à ce propos trois autres chansons en plus d'un DVD incluant un making of, un titre inédit Derelict Herds et deux reprises, Bridge of Sighs de Robin Trower (ancien guitariste de Procol Harum) et Den ständiga resan de Marie Fredriksson (de Roxette. No comment).
Un album qui comblera sans doute bon nombre de fans mais qui se trouve handicapé par quelques maladresses. Malheureusement, ces dernières sont le fruit de la nouvelle évolution de la formation scandinave. Reste quelques chansons plus "classiques" pour faire passer la pilule. Difficile de classer ce LP parmi les indispensables d'Opeth. Très loin d'un Still Life...