Inutile de rabâcher l'histoire de The Avalanches, un simili Beastie Boys au départ (un délice que ce live On RecoveryTony Diblasi essaye de casser un vinyle, en vain) qui laissera ensuite le monde de la musique orphelin du superbe Since I Left You pendant 16 ans. Wildflower sera alors la confirmation que le duo australien sait sampler, et pas qu'un peu.


Un avenir radieux tout tracé et de la stabilité ? Certainement pas. Car Robbie Chater, l'une des deux têtes pensantes de The Avalanches part en rehab au moment de la tournée internationale (couplé à de lourds problèmes de santé), laissant à son compère et des collègues de secours, le soin de propager une musique festive et réjouissante.
En 4 ans, les choses se sont bien évidemment arrangées, la collection monstrueuse de vinyles a été données a un disquaire associatif et le groupe revient avec un message clair We Will Always Love You.


En 1977, la NASA envoie dans l'espace le Voyager Golden Record, concentré de schémas explicatifs (comme si une intelligence venue d'ailleurs installait ses meubles Ikea comme nous), images variées (un gymnaste sur poutre et un humain mesurant un crocodile entre autres), sons de la Terre et bien évidemment sons de l'Homme, de la musique. Un projet plus rêveur que véritablement concret, qui interrogeait alors notre capacité à définir l'humanité à une quelconque forme de vie qui ne l'aurait jamais approché. Un rêve inavoué de toucher du bout des doigt une civilisation lointaine, de repousser les limites de l'Univers.


Le projet bénéficie de la direction artistique d'Ann Druyan et, vous me voyez venir, c'est elle qu'on retrouve en pochette de WWALY. Photographie d'époque passée au sonographe puis traduite en musique et de nouveau remise en image. Il y a déjà là une forte symbolique, un jeu qui s'opère entre le signifiant, le signifié et le référent. The Avalanches envoie donc une nouvelle bouteille à la mer, peut-être pas dans des eaux si lointaines (on a passé l'âge d'envoyer des Tesla dans l'espace) mais en tout cas au plus grand nombre.


We Will Always Love You a parfois des allures de Space Opera, que ce soit dans son contenu riche de 25 pistes ou dans son jeu de chansons phares, d'interludes et de reprises de certaines paroles, certaines mélodies. Une histoire se forme, elle commence avec des fantômes et finit avec du champagne rosé.
Si le ton de l'ensemble est volontairement positif, le chemin est parsemé de nostalgie et de mélancolie. Il faut dire que l'ouverture voit la chanteuse de Superorganism, Orono, nous dire qu'elle s'en va. On l'imagine en exploratrice du cosmos, casque d'astronaute à la main nous faire un dernier adieu et surtout, dire qu'elle nous aimera pour toujours. Car il sera alors toujours question d'amour, un amour infini, sans bornes, qu'il soit désespéré (comme dans Running Red Lights), blessant (We Go On) ou adressé à soi-même (Denzel Curry et Sampa The Great faisant leur introspection dans Take Care in Your Dreaming).
Et alors les moments doux amer n'y feront rien, une euphorie gagne l'écoute au fur et à mesure qu'elle progresse. La grosse heure en viendrait même à passer trop vite car l'album se veut générer sans jamais atteindre le trop-plein.


Forcément qu'il est généreux avec autant de featurings. Se payant le luxe d'égaler le record de Song Machine sorti la même année, WWALY partage pourtant un point commun avec le disque de Gorillaz, une parfaite exploitation de l'univers de chacun des guests, tout en gardant l'ADN d'origine de la formation. C'est même de mon avis un peu mieux opéré ici alors que paradoxalement une direction artistique globale ressort. L'enchainement des diverses capsules spatiales et fluide tout en proposant mille et une saveurs. Jamie XX vient imposer son éléctro imparable sur Wherever You Go, Cola Boy fait bouger le dancefloor pour We Go On, Kurt Vile reste toujours aussi nonchalant sur Gold Sky rompu au dernier moment par une note naïve et douce de Wayne Coyne de Flaming Lips. Et on pourrait tout aussi bien citer la guitare laconique de Cornelius sur Music is the Light, la pop sans âge de MGMT sur The Divine Chord et j'en passe.


Humaniste dans son propos et son exécution, We Will Always Love You pue l'amour en effet. La communication autour de l'album n'a eu de cesse de nous le rappeler mais force est de constater que ce n'est pas que de la poudre aux yeux et que les ondes sont plus que positives. Attention, bien évidemment la dimension universelle de l'album a ses limites, l'essentiel des feats est américain (et donc les chants en anglais) et il en va de même pour les sonorités. On évite l’écueil d'un inventaire de toute les musiques du monde, et donc d'une copie du Golden Record. Tout est affaire d'inspiration uniquement et c'est déjà amplement suffisant.


The Avalanches se révèle, plus poétique qu'ils ne l'ont jamais été avant, surement touchés par une décennie qui ne les a pas laissé indemne et aborde le futur avec un optimisme sans failles. Les blessures sont là, elle ne se résorberont peut-être jamais mais il suffit juste d'un peu d'amour. C'est un message vu et revu mais qui aussi bien apporté fait toujours un bien fou. Désormais sur orbite, le duo s'entoure d'une galerie d'artistes enchanteresse et va jusqu'à se permettre un live dans un planétarium ou avec un orchestre de la NASA. Alors que le Golden Record contenait les battements de cœur d'Ann Druyan, WWALY s'achève sur un message en morse.


C'est sur, cette année 2020 a été un parcours de croix mais rassurez-vous, The Avalanches sont là,
Ad astra per aspera.

Kaptain-Kharma
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le 15 déc. 2020

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