Du David Gray des débuts, celui de 1993, on avait conservé le souvenir flou d'un songwriter talentueux au sérieux confinant parfois à l'austérité et qui suscitait davantage d'estime que de passion. C'est dire si sa traversée du désert discographique n'avait pas perturbé outre mesure notre cycle de sommeil et si ce quatrième album était attendu avec moins d'impatience que le retour de Kevin Shields en studio. Pourtant, après avoir dressé un bilan du siècle finissant avec sept ans d'avance sur son premier album, A Century Ends, David Gray nous revient en l'an 2000 en pleine forme, enfin en phase avec son époque. Affublé trop tôt par la critique des habits trop larges aux épaules de Van Morrison Jr ou de Bob Dylan gallois, David Gray échappe aujourd'hui aux comparaisons carte vermeil et dialogue d'égal à égal avec ses contemporains les plus doués : Beth Orton (la testostérone en plus) sur les ballades electro folk, Gomez lorsqu'il s'avise de lorgner vers des références plus proches du blues. Concession à la modernité ambiante ou simple influence de ses copains d'Orbital, il a su greffer quelques boucles sur sa guitare en bois pour un lifting musical des plus séduisant. Le clin d'oeil final à Soft Cell, une reprise étonnante du sublime Say Hello Wave Goodbye, symbolise cette fusion réussie entre électronique et acoustique. Sans rien perdre de son talent, David Gray aura finalement su devenir adulte en évitant le piège de l'adult rock.(Magic)