A mon sens, Wilco (l'album) amorce un certain changement dans la discographie de Wilco (le groupe). Je ne suis pas un partisan de la notion de déclin artistique inévitable mais je trouve que l'état de grâce du groupe se situe clairement de Being There à Sky Blue Sky, ce qui n'est déjà pas si mal puisque cela représente cinq albums en 11 ans. Après, ce n'est plus tout à fait pareil, on perd un peu la magie lumineuse si particulière du groupe, même si on en retrouve forcément par bribes, ici ou là, à travers certains morceaux qui arrivent encore à atteindre des sommets stratosphériques. Mais la constance dans la qualité n'est plus vraiment au rendez-vous.
Et cela commence donc avec ce disque sobrement intitulé Wilco. Je crois que c'est l'album que j'ai le moins écouté, pourtant ça fait un moment que je l'ai acheté. A chaque fois je me dis que je vais le réécouter et le réévaluer car j'aime tellement Wilco depuis, mais non, il ne se passe rien ou si peu. Ce n'est pas mauvais, c'est juste monotone, c'est l'incarnation du disque alt-country pépère avec lequel le groupe flirtait jusque-là sans jamais vraiment s'y abandonner, par la magie de quelques illuminations mélodiques foudroyantes.
Je ne sais jamais comment aborder ce disque éponyme, je trouve que c'est le disque de Wilco qui possède le moins de personnalité, encore mois que leur premier album A.M. qui, au moins, transpirait l'énergie d'un groupe débutant. Wilco (l'album) ressemble à un plaisir coupable de la part du groupe, une collection de chansons classiques en mode pilotage automatique. C'est très sobre, très carré, mais aussi dénué de sensibilité et de profondeur. La durée assez courte de l'album (42 minutes cela dit, mais j'ai toujours eu le sentiment qu'il en faisait pas plus de 35) et des chansons, renforce l'impression de paresse et de manque d'inspiration qui ressort de l'ensemble.
On dirait que l'album ne cherche même pas à créer une dynamique entre ses morceaux. Bull Black Nova et ses 5:39 minutes essaie sans doute de créer un pic avec sa structure foutraque et répétitive qui tranche tellement avec le reste que le morceau aurait pu trouver sa place dans A Ghost Is Born, mais ça manque de substance et d'une énergie vraiment subversive : ça reste plat et redondant. Enfin c'est le seul titre qui tente quelque chose, les autres morceaux étant d'un classicisme borné et sans surprise. Encore une fois, les chansons ne sont pas mauvaises, mais j'en attends davantage de Wilco, peut-être trop.
Parce qu'il y a quand même de bonnes choses, surtout une, le superbement délicat You And I, qui ne bouleverse absolument rien mais qui le fait bien, avec douceur et subtilité, Jeff Tweedy étant accompagné par le chant délicieux de Feist. C'est ce côté bucolique, tout en légèreté, que j'aurais aimé retrouvé ailleurs dans l'album. Je me fous du classicisme si c'est juste beau et agréable à écouter. Le groupe a aussi eu la bonne idée (ou pas, j'imagine que c'est une impression personnelle) d'alterner les morceaux sympathiques avec ceux qui sont juste oubliables, ce qui permet de relancer la machine à peu de frais.
Au niveau des titres sympathiques, on retrouve ainsi l'introduction bien carrée, Wilco (The Song), ou bien encore One Wing et I'll Flight dans un registre rock pêchu mais touchant, et dans un style plus lent et mélancolique Country Disappeared et le final Everlasting Everything. Malgré la qualité de ces chansons, elles n'en restent pas moins standardisées. L'onirisme y est absent, on attend toujours la petite rupture qui les transporterait dans un ailleurs habituellement si cher au groupe. Les autres titres (Deeper Down, You Never Know, Solitaire et Sonny Feeling) sont plus que passe partout.
Au bout du compte, Wilco (l'album) ressemble à une parenthèse dans la discographie du groupe, comme si celui-ci, en se faisant un petit plaisir assez stérile, cherchait à exorciser ce lent déclin vers la musique à papa et à faire table rase pour repartir vers de nouveaux horizons sonores. C'est à peu près la seule explication satisfaisante que je trouve. Sans être foncièrement mauvais, ça reste l'album le moins prépondérant dans la discographie de Wilco, il ne marque rien de particulier, aucune évolution, aucune étape, aucune direction. C'est peut-être le cœur même de son identité.