16 ans. L’attente aura eu le temps de faire sa puberté.
Année 2000. Le bug n’a pas eu lieu, mais d’autres déconnexions se préparent. Une émission de Tracks allumera l’étincelle avec un clip : Frontier Psychiatrist. Une explosion de sons et d’images dont la cohésion relève de la magie.
L’album Since I Left You est d’accord reconnu pour sa composition hors-norme. La légende veut que 3500 samples aient été utilisés. L’album est un cauchemar pour les avocats face à un raz-de-marée de droits d’auteur. L’ensemble ressemble à un feu d’artifice dans un magasin d’oreillers. Puzzle technique de centaines de sample, le disque a pourtant une identité propre, une homogénéité invraisemblable. L’album figure très vite dans mes albums phares en électro. Pendant des années et encore aujourd’hui.
Heureusement, car après l’explosion, le néant. Pas de nouvel album à l’horizon. Que des remix et autres mixtapes sont parfois remontés des profondeurs par les filets de la toile. Pourquoi un tel naufrage de ces petits gars de l’électrisante Melbourne ?
J’ai trouvé quelques éléments de réponse chez Benzine : « Les raisons de ce long silence discographique restent mystérieuses: des problèmes financiers ont été évoqués (leur label a d’ailleurs fait faillite), mais aussi la santé fragile de leur leader Robbie Chater, l’usage contre-productif de drogues hallucinogènes et même la contrainte logistique que le groupe s’est imposé en voulant coûte que coûte composer ce nouvel album sur Studiovision, le logiciel qui fut utilisé pour Since I left you mais dont la production fût stoppé en 1998 et qui impose l’utilisation des Mac de l’époque. »
16 ans après, je caressais un espoir que je croyais vain. Et puis, Wildflower a éclos. Mais si un whisky sait se bonifier en 16 ans, qu’en est-il d’un album ?
Dès Because I’m Me, le programme est donné : funk, festif, bon enfant, désuet. Et Frankie Sinatra ouvre l’open bar jusqu’à l’ivresse. L’appréhension se noie dans l’euphorie : « Ils sont revenus ! » J’écoute le morceau en boucle, tout comme The Noisy Eater.
De par sa pochette de naufrage, j’ai toujours attribué à Since I left you un caractère crépusculaire, quand La croisière s’amuse embrasse l’iceberg du Titanic. Wildflower est solaire avec une référence marquée au flower power. Je ne peux pas saquer ces foutus hippies et pourtant cet album est un bonheur. Plusieurs écoutes permettent de se rendre compte du travail d’orfèvre.
En 16 ans, chez les Avalanches, seule la voix a mué. Les Australiens ne se contentent plus de samples, ils font appel à des voix, du rap essentiellement. Cette nouveauté permet un dialogue intéressant entre les époques et, une fois encore, la cohérence reste entière. Comme dans Because I’m Me où le chant des rappeurs de Camp Lo s’associe à celui des enfants de 11-12 ans des Six Boys in Trouble, extrait du titre original Why Can’t Get It Too datant de 1959.
Entre les deux albums, le style n’a quasiment pas changé ni évolué. Comme si les 16 ans n’étaient en vérité que 16 mois. On pourrait le regretter, mais l’euphorie qui se dégage de ce disque fait tout pardonner.
Pour conclure, j’aimerais vous conseiller la lecture de l’article Sample et complexe du site Next. Si je ne partage pas du tout sa définition du trip-hop, l’auteur lire un parallèle très intéressant entre cet album et le dernier de DJ Shadow, qui est lui aussi une merveille.