Wolves
7.6
Wolves

Album de My Latest Novel (2006)

My Latest Novel, soit mon dernier roman'? Assurément : un roman échevelé, exalté, qui mêlerait les lents tourments et les noirceurs d'un Thomas Hardy à la flamboyance, au romantisme d'un Lord Byron. Car ce roman-là, écrit au coin d'un feu écossais, semble strictement britannique, puisant ses racines dans les landes accidentées hantées par tout un rock mélancolique, du jeune Bowie à Coldplay, de Belle And Sebastian au Beta Band' La beauté de ces chansons effondrées mais solidement écrites, c'est de refuser la dictature du gris, drapant leur vague à l'âme d'atours exubérants, de mille détails et excentricités. Avec un luxe d'arrangements et d'instrumentations à tiroirs, ces chansons pourtant modestes à la base (une guitare folk, un chœur vagabond) gagnent une épaisseur et une ferveur rarement entendues depuis The Arcade Fire (le martial When We Were Wolves) ou Sufjan Stevens (Pretty in a Panic, The Reputation of Ross Francis). Du grandiose et ambitieux The Job Mr Kurtz Done à l'imparable single Sister Sneaker Sister Soul, ces entrelacs de voix, ces brumes de cordes, ces mélodies humblement épiques travaillent à l'installation résolue d'une fièvre qui agite ces dix chansons anormales : des pop-songs qui connaissent les reliefs soupe-au-lait du post-rock, la grâce bucolique du folk, la puissance affective de l'emo-rock et la grandiloquence du rock lyrique. Boredom Kill Another ( Encore une victime de l'ennui ) dit un de leurs titres ? comme si ces chansons imprévisibles et habitées pouvaient connaître la routine. (Inrocks)


Wolves est un album bouillonnant et protéiforme, surprenant premier essai d'un jeune quintette écossais qui a de la suite dans les idées. Plutôt raccord avec l'air du temps, My Latest Novel brasse des gros morceaux de folk foutraque comme le font si bien Animal Collective ou The Arcade Fire de l'autre côté de l'Atlantique, mais y incorpore des épices bien écossaises chipées dans les disques d'Arab Strap et de Belle And Sebastian (The Job Mr Kurz Done). La mixture est explosive et paradoxale, à la fois exubérante et austère. Le groupe carbure aux guitares, aux percussions, aux cordes à foison et aime chanter des hymnes tordus à l'unisson comme une tribu déchaînée (l'imposant When We Were Wolves). Avec un art consommé du titre (Learning Lego, Boredom Killed Another), My Latest Novel installe des ambiances tendues sur des morceaux à dominante acoustique, volontiers répétitifs mais jamais ennuyeux, notamment grâce à une instrumentation riche et une mise en son magnifique, ample et dense à la fois. Surtout, My Latest Novel a sous le coude quelques chansons d'une beauté sidérante, sublimes dans leur simplicité. The Hope Edition déroule sa rythmique chaloupée et sa guitare acoustique sur une mélodie limpide, puis prend une direction imprévue avec la venue de violons. Dans un registre folk orchestré, Sister Sneaker, Sister Soul est tout simplement l'une des plus belles choses entendues depuis le coup d'éclat de Sufjan Stevens l'an passé. My Latest Novel vient là d'écrire le premier chapitre excitant d'un roman qu'on espère long et plein de rebondissements (Magic)
Quand un disque s'avance d'emblée comme un tel concentré d'élégance glacée, entre la pochette, le titre de l'album et le nom du groupe, on peut être en droit d'appréhender un peu le moment de la musique elle-même. C'est pourtant le contraire qui se produit ici. Quelques jours en compagnie de ce disque rendront son emballage bien vite futile à côté du parfait enchaînement de morceaux auquel il nous confronte. Le choc ne sera peut-être pas immédiat pourtant. L'album aura d'ailleurs soin de brouiller les pistes en égarant son auditeur, dès les premières mesures de "Ghost in the Gutter" dans les sinuosités d'un post-rock acoustique, chargé d'une violence noire martiale qui s'évanuira en fin de morceau, laissant place à une armée de voix tout aussi grave et intense. Cette dualité entre une instrumentation virtuose en exergue, menée tambour battant par un violon plein de feu, et un travail très abouti sur les voix, souvent érigées en choeur, constitue l'un des leitmotive du disque, lui conférant au passage sa personnalité implicite. Le caractère de "Wolves" ne se réduit toutefois pas à une seule formule, aussi brillamment exécutée puisse-t-elle être par ailleurs. L'une des grandes forces du disque tient justement dans sa diversité. L'homogénéité de l'ensemble a beau être assurée par des arrangements d'une cohérence infaillible, faisant la part belle aux cordes, aucune chanson ne ressemble à une autre. On sent sur "Learning Lego" l'influence indéniable de Low, avec qui le groupe a partagé plusieurs fois l'affiche, et dont My Latest Novel parvient à saisir la lente puissance magistrale sans reproduire strictement les mêmes schémas (le morceau se termine sur une explosion de choeur d'enfants qui rappelle plutôt "Another Brick in the Wall"). Plus loin, lors de l'escale pop du disque, "The Hope Edition" évoque, violon aidant sans doute, le songwriting aérien et racé d'Andrew Bird. Le crescendo du début de l'album jusqu'à "Sister Sneaker Sister Soul", véritable perle sur la cristallisation amoureuse dont les effets se révèlent diablement efficaces, est tellement impeccable qu'il en devient presque physiquement éprouvant. La très légère baisse de régime avec "When We Were Wolves" est alors bienvenue et profite à l'harmonie globale du disque. Elle annonce de toute façon un nouveau crescendo, qui s'achève en un flamboiement pouvant interpeller les fans d'Arcade Fire, sur "The Reputation of Ross Francis". On ne sera pas surpris d'apprendre l'origine géographique de cette formation, l'Ecosse, patrie de nombreux orfèvres pop dont My Latest Novel synthétise en le transcendant un héritage d'une richesse à laquelle contribuent Mogwai autant que Belle & Sebastian. La diction particulière du chanteur principal, marquée de cette identité, ajoute d'ailleurs aux charmes de "Wolves". Etonnante réussite de bout en bout, cette belle douche froide (écossaise) est pour moi la meilleure surprise de l'année. 2006 n'est certes pas finie, mais je doute fort, au risque de paraître un peu sec, qu'elle nous réserve encore plus de deux ou trois disques de cette trempe. (Popnews)
bisca
7
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le 10 avr. 2022

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