Ne surtout pas louper le Carr !
Vindiou que ça faisait longtemps que j'avais pas mis 5 étoiles à un album ! Certes j'avais déjà fait la rencontre de James Carr sous les meilleurs hospices avec son single déchirant "The Dark End of the Street / Lovable Girl", mais de là à faire face à dix autres morceaux du même tonneau, je ne m'y attendais pas vraiment.
Alors bien entendu c'est la déflagration qui se produit après les 30 minutes que durent les 12 pistes de cet album magique, en cette année magique. (tiens, je vais en remettre une couche pour ceux qui n'auraient pas bien suivi; 1967 EST LA PLUS GRANDE ANNÉE DE TOUS LES TEMPS DANS LA MUSIQUE)
Oui il se passe quelque chose de spécial, de très spécial quand vous êtes confrontés à un tel album. Pourtant pas de chansons à rallonge ici m'ssieurs-dames, rien qui ne dépasse les 2 minutes 50 secondes et 8 dixièmes. Calibrage radio, calibrage émotion. Je ne saurais dire. Mais calibre 9mm dans ta gueule ça c'est sûr.
Alors comment parler de sieur Carr sans citer deux autres dieux de la soul des années 60 ? Otis Redding et Percy Sledge. Effectivement la voix du premier se confond en nombreux points avec le performeur de ce You Got My Mind Messed Up. Un feeling, une force, une rugosité dans la voix quasi déique, une présence qui sort de vos baffles comme un diable sortirait de sa boîte, une fraicheur et ravissement que seuls les chanteurs noirs de cette trempe sont capables de réaliser. La "soul" c'est l'âme. C'est que les chanteurs/ses ont dans les tripes et qui vous expédient en plein visage en laissant une trace indélébile. 45 ans après vous en prenez pour votre compte, encore et toujours. Ce qu'on appelle les musiques intemporelles, celles qui ne meurent pas. Qui ne mourront jamais. 'The Dark End of the Street' et 'Forgetting You' sont les deux moments les plus poignants, ce genre de morceaux qui vous font aimer la musique, ceux qui vous feraient presque croire en dieu.
La face A est superbe, la face B est magnifique. La montée se fait crescendo et ne redescend que lorsque l'ultime titre éponyme pose ses valises sur l'autel du silence annonçant la fin. Car oui il faut bien que cela se termine, et comme à toute bonne chose, on ne voudrait que cela cesse, mais c'est ainsi. Et paradoxalement ce n'est pas plus mal car on quitte cet album désemparé comme un gosse qui aurait perdu son doudou, on garde dans un coin de sa tête l'atmosphère profonde de cette galette habitée du début à la fin par James Carr, et une instrumentation qui lui confère une plus-value insolente.
Comme le dit un autre James; les diamants sont éternels.