La Panthère Noire est née en juillet 1966, l'année même où voit le jour du Black Panther Party for Self-Defense, mouvement révolutionnaire de libération afro-américaine fondé le 15 octobre 1966 en Californie par Seal et Newton, deux noirs nés au Texas et en Louisiane. D'inspiration révolutionnaire et communiste, le mouvement entend rompre avec l'approche non-violente de l'antiracisme à la Martin Luther King (qui sera assassiné deux ans plus tard en 1968). 

Au moment même où la militance noire américaine se radicalise, la naissance de la Panthère Noire de MARVEL n'est évidemment pas une simple coïncidence. L'Amérique toute entière est alors tiraillée par l'inégalité raciale. Mais voir dans ce héros une affirmation militante et le signe d'un tournant politique explicite chez MARVEL reste excessif. Black Panther n'est pas un héros afro-américain. 

A sa création, Stan Lee et Jack Kirby en font le roi d'une contrée fictive d'Afrique, le royaume du Wakanda. Son vrai nom est T’Challa, et les cases sorties en 1966 ne font aucunement mention des émeutes raciales qui agitent les Etats-Unis depuis deux ans déjà, ou du bouleversement du tissu militant noir qui a lieu exactement à cette époque. 

Dans sa première aventure, T’Challa n’est alors qu’un simple guerrier cherchant une épreuve à surmonter : celle de terrasser les Quatre Fantastiques. Un rituel qui sonne comme une épreuve de force, témoignant du résultat de son entrainement. Sous cette première approche bestiale, les auteurs cachent un premier contact courtois et les codes du duel mêlés à ceux de la chasse. Mais plus important encore, Black Panther était l’égal de l’une des équipes emblématiques de chez MARVEL.

Fantastic Four #52 VOL. 1 (juillet 1966) : The Black Panther !

Après sa présentation dans le numéro des Fantastic Four, la Panthère Noire va débarquer aux États-Unis et intégrer les Avengers. La trajectoire du personnage bifurque pendant son run avec les Avengers. Loin de ce qui définit aujourd’hui le personnage, T’Challa se fait appeler Luke Charles et habite Harlem. Il trouve l’amour avec une chanteuse de jazz et il deviendra même instituteur durant une courte période. Cette réécriture de Black Panther transforme le roi du Wakanda en bon citoyen américain, elle ne se révèle être qu’une aseptisation du personnage s’accommodant au mode de vie américain. 

Alors que le mouvement du Black Power grandissait, la légende raconte que ce groupe aurait emprunté le nom du personnage et une autre théorie dit que ce nom serait une référence à un régiment blindé exclusivement composé d’afro-américains. Toujours est il que MARVEL possédait un super-héros portant le nom d’un groupe associé à une pensée sujet à débats. Si bien, qu’en 1971, Black Panther fut renommé Black Leopard. Ce changement de nom ne sera que temporaire et MARVEL tente de rendre le personnage plus discret afin d’éviter de le mentionner, et ainsi éviter de prendre parti dans l’action du mouvement Black Power. 

Quand Don McGregor reprend les rênes de Jungle Action, il remarque que ses prédécesseurs ont fait prendre à la Panthère Noire des décisions pour le moins surprenantes. Il a quitté le Wakanda et rejoint les Avengers comme dit plus haut. Pour McGregor, c’est une décision complètement absurde. Quel souverain abandonnerait ainsi son peuple ? Lorsque l’artiste reprend les commandes de la série, il donne un bras droit à Black Panther : W’Kabi. Ce dernier reproche à Black Panther d’avoir délaissé le Wakanda et permis, par ce biais, à un mouvement rebelle de se développer. Voici donc la situation au début des épisodes de Jungle Action.

Jungle Action #6 (septembre 1973) : Panther’s Rage

Jungle Action #7 (novembre 1973) : Death Regiments Beneath Wakanda

Jungle Action #8 (janvier 1974) : Malice by Crimson Moonligh

Jungle Action #9 (mai 1974) : But now the Spears are Broken

Jungle Action #10 (juillet 1974) : King Cadaver is Dead and Living in Wakanda !

Jungle Action #11 (septembre 1974) : Once you slay the Dragon !

Jungle Action #12 (novembre 1974) : Blood Stains on Virgin Snow !

Jungle Action #13 (janvier 1975) : The God Killer

Jungle Action #14 (mars 1975) : There are Serpents Lurking in Paradise

Jungle Action #15 (mai 1975) : Thorns in the Flesh, Thorns in the Mind 

Jungle Action #16 (juillet 1975) : And all our past decades have seen Revolutions !

Jungle Action #17 (septembre 1975) : Of Shadows and Rages

Jungle Action #18 (novembre 1975) : Epilogue !

Dans les numéros de Jungle Action, la dégradation de l’état du héros atteignait des sommets inattendus. Black Panther y vivait une véritable descente aux enfers. Don McGregor lui-même souligne cette dimension dès le départ. Ce long cycle de 1973 a 1975 qu’on appel Panther’s Rage a été publié à l’époque où MARVEL quittait indubitablement l’ère de l’innocence. 

Panther’s Rage présente le retour de T’Challa au Wakanda. Il redécouvre son pays et doit s’accommoder à nouveau du rôle de roi, mais surtout gagner à nouveau la confiance de son peuple. De retour des États-Unis, il apparait comme un étranger à leurs yeux. Lui même porte un regard occidental sur son propre pays et peine à trouver l’équilibre entre traditions et modernité. Black Panther va tenter de rétablir la paix au Wakanda alors que Killmonger ravage les villages autour de la cité. Devant ces massacres, Black Panther se dresse seul face à Killmonger et ses lieutenants qu’il devra affronter les uns après les autres, risquant sa vie à chaque affrontement. 

Toujours aux portes de la mort, Black Panther ne recule jamais et fait preuve d’une persévérance imperturbable. Jamais ce roi ne remet en question son but. Pour lui, cette quête devient un absolu à mener pour prouver sa capacité à gouverner et démontrer sa détermination aux yeux de son peuple. 

De son côté, Killmonger est un antagoniste réfléchi. Un stratège à la force brute ayant un idéal complètement opposé à celui du héros. Répondant à bien des stéréotypes à travers ses motivations, son développement créé un étrange attachement entre le lecteur et ses lieutenants. Killmonger n’est pas qu’un homme assoiffé de pouvoir. Il est le défenseur des êtres imparfaits et de ceux considérés comme des monstres. Il est animé par la rancune d’un monde injuste. Si le scénariste Don McGregor n’insiste pas nettement sur cet aspect, il le fait transparaître à travers le recrutement de lieutenants comme Venomm.

Dans les numéros de Jungle Action ce n’est pas Jack Kirby aux dessins, mais d’abord Rich Buckler pour 3 numéros, puis Gil Kane pour 1 numéro et enfin Billy Graham sur tous les derniers numéros. Les premières planches de Graham sont très convaincantes, notamment son travail sur les animaux comme le crocodile ou les serpents.

Malgré tout ce que nous devons à Stan Lee et Jack Kirby, Black Panther n’aurait jamais été cette icône populaire actuelle sans l’engagement de Don McGregor, ni les dessins somptueux de Rich Buckler et Billy Graham.

StevenBen
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le 29 nov. 2022

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Steven Benard

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D'autres avis sur 1966-1975 - Black Panther : L'Intégrale, tome 1

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