La mauvaise adaptation de débutant

Adapter une œuvre aussi mythique que 1984 de George Orwell est un défi colossal. La richesse de l’univers, la densité de la narration et l’impact des thématiques demandent une subtilité et une maîtrise artistique remarquables. Tous le monde connais le chef d'œuvre dont il est question et l'angoisse infini d'un régime de ce type, nous plongeant dans une torture psychologique, refermant toutes les échappatoires possibles, pour finir par briser un mental, même aussi solide soit-il.

Malheureusement, cette adaptation en BD de 2021 peine à relever ce défi, offrant un résultat fade qui, malgré quelques fulgurances en fin de parcours, n’apporte rien de significatif à l’œuvre originale.

Dès les premières pages, le constat est frappant : cette adaptation se contente de transposer le texte du roman presque mot pour mot, sans réelle réinterprétation. Si l’intention était de rester fidèle à l’œuvre d’Orwell, l’exécution manque cruellement de personnalité. Les images, au lieu de compléter ou de réinventer certains passages, se contentent d’illustrer platement le récit, souvent sans le moindre impact. Ce qui aurait pu être un outil pour enrichir la narration visuelle devient une simple redite, ôtant tout intérêt à la lecture pour quiconque connaît déjà le roman. Tout en étant d'une pauvreté visuelle soporifiques pour celles et ceux qui n'ont pas pu lire l'histoire originale.

Le style graphique, quant à lui, est d’une rigidité qui dessert totalement l’ambiance oppressante de 1984. Les personnages semblent figés, leurs poses uniformes et mécaniques, comme s’ils étaient emprisonnés dans un exercice de dessin académique mal maîtrisé. Cela pourrait presque fonctionner, si cela avait été une intention stylistique pour refléter la déshumanisation du monde dystopique d’Orwell, mais ce n’est visiblement pas le cas ici. Le résultat est simplement plat et inexpressif, rendant difficile toute immersion ou empathie pour les protagonistes.

L’architecture, qui aurait pu être un pilier visuel puissant dans cette adaptation, est également décevante. Le style brutaliste, si central à l’esthétique de 1984, est réduit à des lignes épaisses et grossières, rappelant davantage un exercice scolaire sur la perspective qu’un véritable travail artistique. Les bâtiments, au lieu d’écraser par leur grandeur ou de refléter l’oppression du régime, ressemblent à des formes génériques sans âme ni intention. On est sur des perspectives en 2 points et 1 point, sur les trois premier tiers de l'histoire et c'est d'une platitude déconcertante.

Malgré tout, il faut reconnaître quelques éclairs de mise en scène, notamment dans les derniers chapitres. Certains passages cultes, tels que la fameuse scène finale, parviennent à retrouver une partie de leur intensité grâce à une composition un peu plus travaillée. Le passage bien connu avec les doigts et l'addition est très bien représenté et sort enfin d'un côté trop scolaire et débutant. C'est clairement sur ce ton qu'on aurait voulu lire cette adaptation.

Mais ces moments sont trop rares pour sauver l’ensemble.

En conclusion, cette adaptation de 1984 laisse un goût amer. Si elle témoigne d’une volonté de rendre hommage à l’œuvre d’Orwell, elle manque cruellement de profondeur et de maîtrise. À trop vouloir rester fidèle au texte, elle oublie ce qui fait la force d’une bande dessinée : la capacité à raconter autrement, à enrichir l’histoire par des images qui parlent autant que les mots. Un projet qui aurait pu être une redécouverte captivante d’un classique, mais qui, au final, ne devient qu’une adaptation fade et sans relief.