Billy the Kid, l'album n°20 de Lucky Luke est une réussite totale, l'un des meilleurs crus du duo Morris Goscinny, si ce n'est le meilleur. Voici les nombreuses raisons qui m'amène à le penser :
-> la structure du récit : deux premières pages d'ouverture qui présentent pour notre plus grand plaisir la genèse de ce gangster précoce, une ouverture vers un autre gangster, Jesse James, romantique à ses heures. Même au sein de l'album il y a un effet miroir dans le récit : le "rise and fall" de Billy avec comme point de bascule le faux procès ;
-> les personnages : Lucky Luke prouve à travers cet album qui est très loin de l'étiquette neutre et fade dont on a pu le taxer. Il a une extrême confiance en lui : les têtes de morts planche 8, le coup du bonbon planche 12, les plumes de l'indien planche 39. Il regorge d'idées ingénieuses et s'impose comme un meneur naturel. Il a un coté faussement méchant que l'on connait moins de lui : les pommes planche 28, la danse du barmen planche 36 et la fameuse fessée planche 42. Billy the Kid s'inscrit d'emblée comme un personnage majeur (au point de le développer dans une "suite" avec l'escorte 8 albums plus tard). Enfin les personnages secondaires sont incroyables : son liseur et l'épicier pour ne citer qu'eux ;
-> le rythme : enlevé du début à la fin, toutes les cases sont exploitées avec minutie. C'est drôle, grotesque, flippant parfois ;
-> les références : un duel final dans l'allée centrale de Fort Weakling entre les deux protagonistes dont seul Goscinny pouvait nous trouver une issue aussi habile ;
-> le sujet de fond : il s'agit ici de la terreur et de son accommodement de la part de la population. Un sujet plus que jamais d'actualité...et une lecture de Lucky Luke qui laisse songeur et à prolonger par celle du Discours de la Servitude Volontaire (1576) d’Étienne de la Boétie. Une case presque prémonitoire (relecture en 2020), lorsque Lucky Luke arrive à cheval dans Fort Weakling planche 3 :
Pas un chat dans la rue...Pourtant Fort Weakling, tel que je le connaissais, était une ville pleine d'animation...peut-être qu'une épidémie...
Assurément donc le meilleur album de méchant (les Daltons alternent le bon et le moins bon), peut-être le meilleur Lucky Luke tout court.