Chute de vélo par belzaran
Etienne Davodeau est un auteur à part dans le paysage de la bande-dessinée. Connu en partie pour ses reportages dessinés, il a ancré son œuvre dans une veine qui se veut réaliste. « Chute de vélo », fiction de près de 80 pages, reste dans cette orientation, l'auteur ayant utilisé son propre village comme décor... Une façon d'assurer la cohérence du paysage.
« Chute de vélo » est articulé autour d'une maison familiale. Des frères et sœurs se retrouvent dans leur maison. Ils vont passer du temps avec leur mère pour ce qui devrait être sa dernière sortie. Celle-ci est en effet atteinte par la maladie d'Alzheimer. Trois générations vont donc cohabiter dans la maison. Ainsi que Toussaint, un ami de la famille...
D'autres intrigues viendront se greffer à l'ensemble. Malgré le nombre de personnages important, la narration est remarquablement menée par Etienne Davodeau. A aucun moment, on ne se sent perdu. Le suspense est réel malgré l'absence d'enjeux importants. Ici, ce sont les âmes qui souffrent, qui culpabilisent, qui s'apeurent. La veine réaliste de Davodeau ne fait pas intervenir de grands cliffhangers incroyables. Et malgré tout, on s'intéresse à la vie de cette famille.
Au-delà des intrigues secondaires se dessine une intrigue principale autour du personnage de Toussaint. Davodeau ne distille les informations sur le passé des protagonistes qu'au compte goutte, amenant parfois un malaise ou des interrogations. Il y a une vraie maîtrise du propos.
La galerie de personnages est vaste et bien équilibrée. Aucun n'est mis de côté. Davodeau ménage un espace à chacun. Les dialogues sont un plaisir, permettant de cerner chacun un peu plus. Le fait que la quasi-intégralité de l'histoire se passe au niveau de la maison (ou plutôt de la rue) donne parfois l'impression de lire une pièce de théâtre.
Le dessin d'Etienne Davodeau sert admirablement le propos. Ses personnages sont pittoresques et très expressifs. Il y a un vrai souci du détail dans les décors et le tout se révèle très riche graphiquement. Certaines planches sont entièrement muettes, d'autres très bavardes. Capable aussi bien d'animer un repas à table que de dessiner la violence d'une chute de vélo, l'auteur maîtrise clairement son dessin pour qu'il assiste au mieux son propos.
Difficile de ne pas parler des couleurs tant elles participent à l'atmosphère du livre. Le ton jaune de l'ensemble donne une impression de chaleur. Ca respire l'été ! De plus, les quelques passages plus sombres sont traités avec des lumières plus contrastées et renforcent le côté dramatiques de ces instants.
« Chute de vélo » est un roman graphique qui prouve sans peine les qualités graphiques et de narration de son auteur. Ancré pleinement dans la « vraie » vie, il se lit d'une traite et on a l'impression de s'intégrer petit à petit à cette famille. Du beau travail.