*Cette critique contient des éléments révélateurs du scénario de ***Civil War****
Les très nombreuses aventures des super-héros se croisent parfois, par l’intermédiaire de ce qu’on appelle crossover dans l’univers des comics. Ses rencontres entre les différentes grandes figures de la maison M sont en général la possibilité de mettre en exergue de forts arcs scénaristiques qui auront fatalement leurs impact dans le quotidien de chacun. Et parmi ces crossovers, l’un des plus importants et encore aujourd’hui l’un des plus populaires reste Civil War. Se portant sur l’ensemble des publications Marvel, il a su pendant des mois se propager à tous les héros, principaux comme secondaires. Car cette fois-ci, la menace n’est plus extérieure...
Stamford, CT. Le nouvel épisode du show télévisé des New Warriors diffusé sur WTNH-CHANNEL 8 est en plein tournage. Cette fois-ci, les jeunes héros vont s’en prendre à une poignée de super vilains, et ce serait bien là l’occasion de faire exploser l’audimat. Les têtes brûlées des New Warriors, malheureusement, ne maitrisent pas suffisamment la situation et lorsque Nitro laisse libre cours à ses pouvoirs... c’est l’établissement scolaire du quartier qui explose.
Dépêchée sur place pour venir en aide aux autorités, la communauté super héroïque ne peut que s’accabler du terrible bilan : pratiquement un millier de morts, et majoritairement des enfants. Une bavure qui coûte cher, et qui poussera le gouvernement à prendre de sévères mesures de restriction envers les super-héros.
C’est ainsi que se profile Civil War, qui se veut plus mature dans son propos en incitant le lecteur à s’interroger. Les notions de loi mais aussi de liberté sont ainsi bousculées, le gouvernement et la population visant à encadrer comme il se doit ces hommes costumés hors de contrôle qui, sous prétexte de sauver la planète, n’hésite pas parfois à ravager la ville. Et l’accident de Stamford est l’exemple parfait illustrant le danger des super pouvoirs. Menés par Iron Man qui se positionne assez naturellement comme leader, nos héros semblent enclins à se conformer aux nouvelles dispositions envisagées. Tous ? Non. Captain America, figure incontournable du pays, refuse catégoriquement toute reddition et se fait fugitif face au SHIELD, et par conséquent ennemi d’état. Soutenu par certains autres super-héros, deux camps distincts se forment alors.
L’originalité du scénario permet de rompre la traditionnelle grande menace pesant sur le monde que l’on peut généralement aborder. Et il est en effet plaisant pour le lecteur de songer également au statut de super-héros en ayant echo des différents arguments de chacun. La scission est d’ailleurs très bien opérée par Millar, à l’image des 4 Fantastiques qui se retrouvent divisés, ou encore Spider-Man dont la prise de décision n’aura jamais eu autant de conséquences... Si Cap apparait comme un véritable idéaliste partisan de la Liberté, Tony Stark se montre bien plus pragmatique dans ses choix et sa prise de position. On regrettera toutefois que, de ce fait, le bouclier étoilé semble d’avantage rassembler les gentils face au vil Iron Man dont les décisions semblent sans cesse repousser les limites au fil de l’intrigue. On aurait ainsi pu profiter d’une opposition moins manichéenne laissant d’avantage le doute au lecteur qui n’aurait jamais vraiment su dans quel camp se positionner.
Egalement, le déroulement des événements menant à une action frénétique fait que l’on pâtit forcément d’un certain approfondissement psychologique : Spider-Man prenant aussi rapidement et aussi facilement la décision de révéler au monde entier sa véritable identité ? Alors qu’il est peut-être de tous les personnages de l’univers Marvel celui tenant le plus à conserver son anonymat ?
L’idée est pourtant lourde de sens et, pour un crossover arguant de fortement impacter l’univers que l’on connait, on ne pouvait trouver mieux. Dommage donc que le tout soit sacrifié pour éviter vraisemblablement un scénario qui s'étalerait trop.
Mais ce manque de dialogue général tend à impacter le réalisme et la logique de l’ensemble : à de nombreuses reprises les protagonistes n’ont de cesse d’insister sur leur amitié durable depuis des années. Pourtant, ce lien même ne semble pas suffisant pour les empêcher de s’empoigner violemment sitôt que le ton monte. Dommage, un échange plus tendu aurait de fait accru la tension jusqu’au basculement dans l’affrontement. Au lieu de cela, le récit nous mène quasi directement à une bataille finale en plein coeur de New-York.
A titre personnel, je regrette également le recours au clone de Thor, qui me laisse dubitatif quant à son utilisation. Pas vraiment justifié, honnêtement assez tiré par les cheveux, il semble être un gros ressort pour amener un basculement dans le récit qui aurait pu autrement être introduit;
La mort d’un super-héros
ou bien un moyen de justifier une apparition de la divinité nordique qui n’a guère sa place dans cette opposition d’opinions.
Soutenu par des dessins d’excellentes qualité signés Steve Mcniven offrant des planches superbes
le Punisher portant Spider-Man blessé
Civil War se laisse globalement bien apprécier, mais pèche par un manque d’approfondissement dans ses enjeux et une trop grande facilité dans la gestion psychologique de ses personnages. On regrettera également une fin trop ouverte pour que le lecteur moyen puisse s’en satisfaire. La lecture reste plaisante par l’action rythmant le déroulement et les questionnements intéressants, mais Civil War ne va pas suffisamment loin dans son propos, ne faisant qu’esquisser sans réellement approfondir. Pour cela, il faudra s’en référer aux nombreux ties-in se concentrant sur les divers héros (notamment celui de Spider-Man, disponible dans Civil War tome 02 - Vendetta) afin de cerner d’avantage la position de chacun.
Des ties-in New Avengers qui d’ailleurs sont disponibles en suite de récit dans ce Marvel Deluxe se centrant autour de Captain America, Luke Cage, Jessica Drew et Sentry. Hélas, loin de compléter le manque d’informations dont je faisais mention en amont, ces épisodes supplémentaires se révèlent assez décevants. Si celui autour de Luke Cage s’avère intéressant et très en accord avec le personnage, l’opus concernant Captain America perturbe par sa chronologie le situant pendant les événements de Civil War dont le lecteur vient tout juste de prendre connaissance. A ce compte, l’assimiler en milieu de récit aurait été plus logique et favorisé l’aisance de lecture. Les dessins, ressortant particulièrement mauvais au regard de ce que Mcniven a pu proposer juste avant, n’engage également pas à apprécier correctement l’ensemble.
Quant à Spider-Woman, le tout se révèle assez anecdotique mais à le mérite d’apporter plus d’informations autour d’elle, bien que son rôle n’ait finalement guère été important dans Civil War. Sentry, enfin, dénote complètement par rapport au reste, au point que l’on s’interroge véritablement sur la présence d’un tel épisode au sein de ce comics. Oubliable et inutile en tout point, il permettra à la rigueur aux amateurs du personnage de justifier son absence de positionnement au sein du conflit.
En définitive, Civil War reste digne d’intérêt ne serait-ce que pour avoir connaissance du crossover le plus important de Marvel, et pour son questionnement fort intéressant concernant le rôle des super-héros au sein de la société. Dommage toutefois que le débat se refuse à un réel développement qui aurait pu magnifié tout l’intérêt du récit et mettre en exergue les objectifs qu’il semble envisager sans jamais réellement atteindre.
Concernant la publication Panini Comics de ce Marvel Deluxe, on regrettera un choix plus que discutable concernant les épisodes New Avengers choisis pour venir compléter l’histoire principale.