Coltrane – A love supreme par Claire Magenta
En préambule et à l'attention des amateurs de l'album Blue Train de John Coltrane, ne pas trop se fier à la couverture de cette bande dessinée éditée en France par Sarbacane en septembre dernier. Le visage de Trane et en particulier son regard vide pouvant être source d'interrogation et de doutes quant au contenu de cette BD initialement paru en Italie en mars 2009, pourtant...
L'auteur transalpin Paolo Parisi propose en quatre chapitres, ceux même qui composent le chef d'œuvre de 1964 A Love Supreme (Acknowledgement, Resolution, Pursuance et Psalm), de retracer de manière non linéaire la vie du saxophoniste américain de ses débuts et sa rencontre avec un célèbre trompettiste... Dizzy Gillespie jusqu'à sa mort à l'âge de 41 ans des suites d'un cancer du foie en 1967.
Inspiré en grande partie par le livre John Coltrane: His Life and Music de Lewis Porter paru en 1998, Parisi s'attache ainsi à montrer au cours d'une centaine de pages les différents traits qui caractérisent le mieux la riche personnalité de Trane telle sa recherche perpétuelle du SOUND. Une biographie où les grands traits de sa vie sont donc évoqués, des rapports privilégiés qu'il eut avec Eric Dolphy et l'émulation qui en découla, ou Miles Davis avec en point de mire l'enregistrement du divin Kind of Blue, de son passage chez Monk et de l'empreinte libératrice qu'elle initia chez lui, ou sa rencontre avec ses deux sidemen et compagnons de route de son fameux quartette, le pianiste McCoy Tyner et le batteur Elvin Jones.
Une biographie qu'on pourra taxer d'incomplète, où l'enfance en Caroline du Nord pourrait paraitre bien succincte... en oubliant un peu trop vite qu'il ne s'agit "seulement" que d'une bande dessinée destinée à souligner quelques moments clefs de l'auteur de Giant Steps. Mais une biographie qui évite faut-il le signaler le défaut récurent à ce genre d'initiative: l'hagiographie. Les zones d'ombre telle son héroïnomanie qui lui valut d'être viré manu militari par son leader (et ancien junkie) Miles Davis ou sa séparation avec sa première femme Naïma ne sont aucunement éludées, des épisodes mettant en relief sinon les faiblesses de Trane en tout cas d'autres pans de son humanité en dehors de sa timidité et de sa générosité.
Comme souvent lorsqu'il s'agit d'un média visuel, on aurait aimé que l'auteur se focalise davantage sur un épisode précis du personnage, l'impression de patchwork biographique pouvant par moment craindre la superficialité du propos, le lecteur "sautant" via des ellipses d'un incontournable de la vie de Trane à un autre épisode... réticence cela dit globalement mineure, la bande dessinée (contrairement au cinéma?) pouvant se permettre ce genre de procédé saccadé sans risquer d'amoindrir son sujet totalement, Parisini ayant de plus fait le choix judicieux de ne pas suivre chronologiquement l'histoire.
Une BD idéale pour les néophytes qui voudrait découvrir l'homme et l'artiste, et pour les initiés une manière agréable de relire les chapitres marquants d'un des musiciens de jazz les plus influents du XXème siècle