Plutôt surprenante cette idée de traiter une problématique féministe avec une bande dessinée érotique.
Après, "érotique" est un bien grand mot. Certes quelques pages montrent clairement un pénis mais dans l'ensemble ça n'est pas plus osé que ce que l'on voit dans Rapaces ou dans Borgia.
A ce titre le trait de l'auteur y est pour beaucoup. Avec un style très cartoon Benoît Feroumont parvient à instaurer une ambiance qui, bien que coquine par endroit, ne devient jamais vulgaire ou racoleuse. Par conséquent, ne vous arrêtez vraiment pas sur cet adjectif. Objectivement, il n'est là que pour éloigner les plus jeunes lecteurs.
Concernant le fond du récit, je dirais qu'il y a 3 degrés d'appréciation.
Le premier est purement contemplatif. Béatrice est une femme régulièrement importunée par son patron. Elle décide de se venger en lui réservant un traitement similaire à ses comportements. Œil pour œil, dent pour dent ; bien fait pour lui !
Sauf qu'à bien y réfléchir (2e degré), on se dit que puisque George est devenu Gisèle et puisque Béatrice a un pénis, l'aspect moral de l'histoire revient au point de départ. En somme : phallus = pouvoir = abus de position dominante.
Mais c'était sans compter la fin et l'interprétation que j'en fait (dernier degré). Pour la forme, je vais utiliser la balise spoil mais sachez que, dans l'ensemble, il ne s'agit pas d'une BD qui perd de l'intérêt dès lors que sa conclusion est connue.
Malgré une romance naissante, Gisèle trouve un moyen de redevenir George. Il l’utilise et décide de quitter Béatrice pour disparaitre dans la nature. Le livre se terminant sur une Béatrice en plein chagrin.
Je trouve ce final très riche en significations. Déjà il permet de ne pas rester sur le 2e degré d'interprétation en montrant que les relations forcées ne sont pas faites pour durer. Mais surtout, j'ai trouvé que présenter une Béatrice autant affectée permet de faire prendre conscience que le harcèlement n'est pas qu'une histoire de mauvaises intentions. Ce n'est pas parce que vous vous êtes attaché à l'autre et que vous n'avez pas l'impression de lui nuire que c'est effectivement le cas. Parfois, ce qui n'est qu'un "petit rien" pour vous est plus grave pour autrui.
En cela je pense que l'on peut parler de Gisèle et Béatrice comme d'une vraie BD érotique féministe.
C'est un pari qui était loin d'être gagné d'avance mais l'auteur s'en tire finalement très bien.
Si le sujet vous intéresse ou si vous cherchez quelque chose d'original à lire, voilà un titre que je vous recommande chaudement.