Hellsing
7.2
Hellsing

Manga de Kōta Hirano (1998)

Une certaine idée du schisme protestant

D'après mes modestes et courtes recherches, les Yôkais, c'est à dire, le recueil le plus réputé du bestiaire mythique japonais compte - au bas mot - plusieurs centaines de spécimens. Des créatures diverses et variées toutes pourvues de caractéristiques les distinguant les unes des autres et qui n'attendent que d'apparaître sous la plume d'un mangaka bien décidé à faire honneur au folklore de son pays. Des centaines.
Alors pourquoi ? Pourquoi diable toujours puiser dans le registre européen ? Pourquoi - bordel de merde - s'obstine-t-on avec un tel acharnement à TOUJOURS nous chier des histoires de vampire sur tous les supports de fiction qui se conçoivent ? Peut-être est-ce l'affaire d'une convention tacite qui règne dans les milieux éditoriaux, je l'ignore. Toujours est-il que personne n'a eu l'impression qu'à l'usure (parce que c'est usant...), les histoires de vampire ont déjà été déclinées sous toutes les formes possibles et imaginables.


Bram Stocker aurait-il su vers quels égarements se seraient perdues les conséquences de sa création qu'il n'aurait jamais écrit Dracula. Vlad Tepes eut-il su de quoi il serait l'inspiration des siècles après sa mort qu'il se serait abstenu d'empaler la moitié de l'Empire Ottoman.
Cette critique, je l'écris à genoux. D'abord pour faire pénitence d'avoir lu une pareille gueuserie mais surtout pour implorer les auteurs à travers le monde de ne plus jamais puiser dans Dracula la moindre source d'inspiration qui puisse se concevoir. Laissez le comte reposer en paix ; il était maléfique, certes, mais pas au point de mériter une énième infamie de ce calibre.


Le sensationnalisme vampirique m'as-tu-vu, on pourrait croire que le public en a la panse bien remplie au point d'en imploser. Mais non, il en redemande quelques pleines cuillerées. Tant pis pour l'indigestion, ce petit monde en reprend une pleine plâtrée et avec le sourire en plus. Des victimes consentantes en guise de lectorat, trop d'auteurs s'en contentent.
D'autant que les poncifs les plus navrants seront à la manœuvre. Du Last Action Hero gore avec des vampires, le postulat est tellement aguicheur qu'on pourrait boucler l'auteur pour racolage sur la voie publique. Loin de m'offusquer des déjections d'hémoglobines dont je sais être bon client quand elles sont justifiées, j'ai horreur qu'on chercher à m'appâter avec des gerbes de sang distribuées gratuitement. Le gore messires, c'est un art. Il s'en faut plus que quelques tâches noires couvrant la moitié de la page pour s'en revendiquer. Bien plus. Une parodie du gore, c'est ce qu'incarne Hellsing sans honte aucune. Et pas une parodie qui soit susceptible de me faire rire. À ce niveau, on tutoie le blasphème.


Mais il y a un public pour ça. Il s'en contente et en redemande. Hellsing, j'en entends parler depuis la maternelle et je n'ai franchi le pas que récemment. Un pas en avant franchi pour descendre en chute libre du haut d'un ravin. Imaginez le pire du film d'action américain (c'est pas difficile, le meilleur lui fait constamment défaut), rajoutez des canines pointues. Tadiiin !
Pourvu du génie d'un homme qui a découvert l'eau tiède sur le tard, Kôta Hirano nous offre une œuvre qui dans le meilleur des cas ne peut s'accepter que comme un plaisir coupable. Mais la culpabilité à ce point là, moi, je peux pas gérer. Y'a comme un besoin compulsif de se confesser qui vous prend pour vous expier de cette lecture infamante. Un manga si inconsistant qu'il en devient intangible. Du rien construit à partir du mauvais, une édification dispensable et pourtant réclamée par des lecteurs apparemment capables de déceler de la lumière dans un trou noir.


Les amateurs de l'œuvre, je leur ai trouvé le doux sobriquet de «goules». Ces entités qui, mordues par un vampire, se plient alors à ses quatre volontés. Car en dehors de la thèse d'un auteur vampire qui aurait sucé le sang de ses lecteurs afin que leur cervelle ne soit plus irriguée correctement, les théories me manquent. Hellsing revêt tout ce dont la plus ignominieuse des caricatures peut le recouvrir. Des héros branchés, trompe-la-mort, occupés à rire comme des déments la clope au bec avec des gros flingues ou des lames qui coupent tout à la main. Tout cela est tellement forcé et si peu naturel. On cherche à faire du cool, du destroy, mais rien qui ne soit susceptible de stimuler quoi que ce soit d'autre que les instincts les plus honteux du mâle (exception faite du cul, ce qui est déjà ça de pris).
Cet aspect faussement négligé de l'anti-héros qui aurait la classe vise à être non pas développé mais rentabilisé ; il s'agit là d'une posture marketing plus qu'un trait de caractère propre au protagoniste et au reste des personnages. Faire du fric avec ce qui a une emprise sur les cons, c'est un bon calcul sur le plan de l'investissement mais une catastrophe d'un point de vue artistique.


Ne nous voilons pas la face, Hirano a clairement opté pour le vampire et les gros flingues afin d'appâter le chaland comme une gagneuse vérolée mais certainement pas pour l'intriguer sur ce qu'il avait à lui offrir. Parce que le vide, même offert en quantité infinie, on sait bien que ça ne nourrira pas son homme.


Le dessin comme plus-value ? Ce que l'auteur nous propose au début n'a rien de bien mirifique, ça s'affine les volumes passants mais ça reste très loin derrière ce qui se fait de meilleur dans le monde du Seinen. Ceux qui prétendent qu'il s'agit des plus beaux dessins qu'ils aient effleuré de leur rétine - et ils sont nombreux - attestent simplement d'un manque flagrant de connaissance en la matière.


Hellsing, du Blade à la sauce wasabi, l'intrigue en moins, l'invincibilité du personnage principal en plus.
J'avais à peine clôturé le tome un que j'en venais à me dire que le meilleur moyen de rendre le tout plus beauf encore serait d'ajouter des nazis en guise d'adversaires. Puis, j'ouvre le tome deux.
Les nazis immigrés au Brésil avec l'aide du Vatican qui reviennent à Londres foutre le boxon parce que. Très franchement, considérant la pente descendante qu'entamait l'œuvre dès ses premiers chapitres, j'avais les moyens de le voir venir.


Un bataille qui durera toute la durée du manga. Enfin bataille... «pan pan», «boum boum», «slash slash», «muhahaha».... j'espère que vous êtes à jour dans vos onomatopées, sinon la lecture risque de s'avérer plus laborieuse encore qu'elle ne le fut pour moi.


Par où entamer ce désastre scénaristique ? Les personnages peut-être. Ou devrais-je dire LE personnage. Car les trois-quarts des personnages présentés sont en réalité le même présenté sous des traits différents. Des psychopathes sans profondeur qui rigolent comme des maniaques en se lacérant les uns les autres ; des protagonistes à la juste mesure du propos qu'ils ont amené à servir, l'incarnation du néant. Rigolard le néant. Violent aussi. Bêtement violent.
Il parait que c'est censé être dérangeant, osé. Si l'on prend son lectorat pour des petites vieilles, peut-être, mais pour être rodé en la matière, j'ai davantage l'impression que l'effronterie de l'auteur à nous servir sa soupe est autrement plus osée que le parti-pris du gore adressé à des adolescents en pleine mue.
La reine d'Angleterre derrière le programme Hellsing pour lutter contre les vampires. Décidément, les liens entre la famille royale britannique et le monde de l'occulte, c'est toute une histoire.


On poursuit la chienlit du côté des antagonistes. Le Major, antagoniste principal, admet ouvertement n'avoir aucun but. Il aime juste la guerre, c'est comme ça. Voilà une figure d'ennemi très recherchée. Recherchée dans les poubelles sans doute, mais recherchée quand même. Comment est-il permis de s'impliquer dans cette parodie d'intrigue si on se situe en dessous du nanard en terme de crédibilité ?
De motivation, il n'y en a nulle part. La trame n'est pas impulsée mais simplement prétextée pour mettre en œuvre des massacres tapageurs qui ne raviront que les plus impressionnables. La médiocrité à ce point là, ça devient juste obscène. Londres est le théâtre d'une guerre totale qui durera plus de la moitié du récit. Du chaos pour la finalité du chaos et, contrairement à ce qu'en dira le Major avant d'expirer, ce n'était pas une superbe guerre. C'était de la merde. Disons-le crûment et clairement.


Un petit plagiat au passage avec le Major imitant la symphonie macabre de Kuroro dans Hunter x Hunter. Non seulement elle ne sert ici aucun dessein, mais se veut en plus lamentablement mise en scène. S'approvisionner chez les autres pour essayer de glaner un semblant de substance... Hellsing n'a vraiment rien pour lui. Bien sûr, Alucard (anagramme de Dracula au passage...) ne meurt pas à la fin, il revient à la vie afin de nous rappeler à tous que nous suivions les aventures d'un personnage invincible qui ne courait finalement aucun risque depuis le début.


Au final, que dire d'une œuvre qui n'a - de son propre aveu - rien à dire ? Le néant fait écho au néant, les mots me manquent mais les maux m'assaillent. Surestimé, le mot est faible. La légende Hellsing ne repose que sur la crédulité d'un lectorat qui sait se satisfaire de rien aussi longtemps que ce dernier est maculé d'une dose irraisonnable d'hémoglobine. Hellsing n'a rien d'une œuvre provocatrice mais tout d'un manga insultant. Une atteinte à toute forme d'intelligence qui ne conviendra qu'à ceux qui assument d'en être dépourvu. Quand on se contente de peu, on ne mérite pas plus.

Josselin-B
2
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le 21 avr. 2020

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Josselin Bigaut

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