Histoire de la Belgique pour tous racontée par Cowboy Henk par Chro
Par Nicolas Tellop
On a déjà dit tout ce qui pouvait l’être à propos de l’humour de Herr Seele & Kamagurka. Absurde, surréaliste, dadaïste, il est en somme insaisissable et indiscernable, hors-norme, à l’image de leur personnage Cowboy Henk. Inutile donc de s’attarder sur un mécanisme dont l’étude ne se limiterait qu’à mesurer l’intensité des esclaffements incrédules et des hoquets hystériques que provoque chaque lecture.
Les motivations d’un tel humour sont cependant plus perceptibles. Car on sait que le non-sens exprime encore quelque chose qui a du sens, et le duo belge ne peut pas être aussi férocement drôle pour rien. C’est que les éclats de rires se confondent aux cris de révolte, et les grincements de dents augurent l’écroulement à venir du réel. Dans l’une des planches réunies pour l’anthologie publiée l’année dernière par le Frémok, Cowboy Henk se désespérait de la parfaite et inébranlable logique de ses contemporains. Le boulanger disait ne pouvoir lui vendre un poisson et le renvoyait chez le poissonnier, qui avouait de son côté son impuissance à lui procurer du pain... À la faveur de son corps bodybuildé, avec sa houppette aussi démesurée que son sexe, Cowboy Henk semble n’exister que pour remettre en question l’ordre naturel des choses, et se gausser d’une réalité, pitoyable, trop étroite pour contenir son imposante carrure.
Ce nouvel album possède une cohérence propre à entretenir et à approfondir cette vision. Il s’agit de raconter par la bouche même de Cowboy Henk l’Histoire de la Belgique (pour tous), une Histoire forcément potache, constamment décalée, mais qui n’en parle pas moins réellement du pays de Herr Seele & Kamagurka. La forme globale renvoie aux manuels scolaires de l’école primaire, avec des chapitres aux titres neutres et à la graphie très scolaire. Le didactisme chronologique y est scrupuleusement respecté, conférant à l’ensemble son approche pédagogique promise dès le titre. Évidemment, il n’en reste pas moins que les interférences historiques sont légion, faisant régulièrement basculer le temps de la narration dans celui du récit. Il est ainsi question d’un écran plat à l’époque de la préhistoire, de jeux vidéo au Moyen âge, du roi Léopold Ier appelant en 1830 de ses vœux « un pays où les routiers polonais foncent à 140 km/h sans payer de péage et en transportant dans leurs containers des clandestins chinois », ou encore de Cowboy Henk plongé avec son compère Freddy au milieu de l’enfer de la Grande Guerre à l’occasion d’un marché aux puces sanglant. Le débordement temporel fait partie de l’exercice parodique, dans lequel l’anachronisme délirant court-circuite bien entendu la vérité historique. (...)
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