La Passion des Anabaptistes réalisé par Ambre ( dessinateur ) et David Vandermeulen ( auteur ) est une bande dessinée historique en trois tomes relatant de manière assez fidèle les faits concernant la révolte paysanne ayant eu lieu au XVIe siècle dans le Saint-Empire romain germanique, essentiellement dans le Sud de l'Allemagne. Cette révolte a pris sa source entre autres dans les conflits religieux liés à la réforme protestante et engendrera une scission entre l’Église catholique romaine et les Églises protestantes, tout ceci non sans remous.
Pour nous plonger au cœur de l’intrigue, nous suivons les péripéties de trois protagonistes incontournables de cet événement ( un par tome ): Joß Fritz, Thomas Müntzer et Jan Van Leiden.


N’étant à la base pas forcément friand de récits religieux et autre bondieuseries, j’ai entamé la lecture de cet ouvrage avec une certaine réticence, étant surtout attiré par le trait du dessinateur et l’aspect esthétique du « livre-objet ». Ma peur était de me retrouver face à un travail dans le style de ce qu’a pu faire Robert Crumb avec La Genèse, en d’autres termes, une BD centrée sur l’aspect religieux. Ceci étant, au fil de ma lecture j’ai su me laisser surprendre par ce qui en réalité s’apparente plus à une fresque monumentale d’une époque rude, sombre et froide, dépeignant un monde dans lequel l’obscurantisme religieux domine une société qui a soif de lumière. Au delà des motivations spirituelles des personnages principaux, on assiste à leur tentatives désespérées d’émancipation mais aussi d'appropriation, de manipulation résultant bien souvent en un despotisme ordinaire. Ces événements ont par ailleurs lieu à une époque où l’invention révolutionnaire de l’imprimerie chamboule l’ordre établi et ouvre irrémédiablement l’accès au savoir au plus grand nombre.
Dans la Passion des Anabaptistes tout ceci se déroule sur un fond crasseux, où les corps gisent dans la fange, où le meurtre est une chose commune et aisée, un monde où la pire cruauté imaginable et le massacre sont aussi banals que le fait de respirer. Bienvenue dans « l’Europe » du XVIe siècle.
Pour autant, Ambre et Vandermeulen ne se laissent pas perdre dans les méandres d’un tel décor et avancent d’un pas assuré dans leur récit des révoltes anabaptistes, permettant au lecteur de se faire une idée relativement fidèle de cet événement.


La forme que prend cette trilogie est remarquable. Les ouvrages sont de grand format ( 37 x 28 cm ), s'appropriant pour l'aspect typographique, l’esthétique des anciens incunables. Ce format hors du commun permet aussi à Ambre de laisser libre cours à son travail du dessin à la plume et de nous proposer des planches monumentales. Pour cette trilogie, Ambre s’est parfois inspiré du travail des maîtres anciens tel Albrecht Dürer, et son trait singulier et rugueux s’adapte parfaitement à la thématique du récit et nous plonge instantanément dans cet univers si contrasté.


Pour apporter un petit bémol à mon enthousiasme général, je regrette que le dessinateur n’ait pas réalisé quelques grands dessins supplémentaires (en double page) pour surprendre le lecteur s’habituant au rythme des cases qui défilent, d’autant plus que ce format hors du commun aurait offert un support idéal pour sublimer son travail du noir et blanc à la plume.


Pour conclure, il s’agit d’une œuvre que je trouve efficace tant visuellement que du point de vue du récit. Il faut bien avouer que La Passion des Anabaptistes présente un récit condensé sur la question très complexe des révoltes paysannes, mais aborder cette thématique dans sa forme actuelle représente déjà un travail de titan, sachant qu’il aura fallu près de sept années à Ambre et Vandermeulen pour achever cette trilogie.

123-OUM
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le 7 déc. 2017

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