Enfin un peu d’action ! Dans la seconde partie de l’album, surtout. C’est ce qui le sauve, parce que si on parle toujours beaucoup dans Walking Dead – quoique ce tome ne soit pas le plus bavard –, c’est souvent pour tenir les mêmes propos, qui sont à la philosophie politique ce que les nuggets de KFC sont à un poulet Gaston-Gérard. De fait, en termes d’aventures, l’Appel aux armes formerait presque un album autonome.
Bien sûr, quelques passages sont clairement destinés à préparer la suite : Eugene et sa radio, le rapide apprentissage du tir par Gabriel – même si sur ce point je flaire une arnaque. Mais l’essentiel reste fait de voyages et d’aventures, au risque parfois de s’y perdre, tant certains personnages se mettent à se déplacer sans cesse : certains retournent d’où ils étaient venue, d’autres partent à la recherche de fugitifs – il me semble même que dans certains volumes, une équipe de secours est secourue par une autre équipe de secours…
Dans l’Appel aux armes, c’est – pour la première fois, me semble-t-il, Negan qui fuit. Naturellement il fera faux bond à son compagnon d’échappée, dans des circonstances qui ne devraient étonner aucun lecteur de Walking Dead. Et comme jusqu’ici, toute la série exploite le thème du double en miroir, quand Negan voyage, Rick prend conscience qu’il est devenu inutile hors des murs. On peut y lire une variante autour du thème de la forteresse assiégée, ou un classique de l’opposition entre nomade et sédentaire, entre Abel et Caïn.
D’ailleurs, il y a dans Walking Dead un véritable gâchis de mythes. Je crois régulièrement souligner, dans mes critiques, un certain nombre de motifs mythiques exploités par la série, souvent articulés dans un jeu d’oppositions (Abel et Caïn, donc, mais aussi l’Iliade et l’Odyssée, la civilisation contre la barbarie, etc.). D’ordinaire, les auteurs ne jouent jamais sur ces mythes, ne paraissant même pas avoir conscience de les utiliser – ce qui est peut-être le cas.
L’Appel aux armes joue sur le motif du masque, présent au moins depuis l’apparition des chuchoteurs / quislings, qui l’étendent au corps dans son ensemble – c’est le thème de Marsyas, pour ceux qui connaissent. Il est possible que les auteurs y aient songé, lorsque l’un des premiers gestes de Negan enfin libre est d’enfiler son blouson (1). Mais l’album présente la chose comme s’il s’agissait d’une première dans l’histoire de la culture.
Quant à la décapitation finale, qui peut faire songer à Salomé ou à Goliath, elle me semble surtout une référence inversée à Judith et Holopherne – c’est ici un homme qui s’introduit dans le camp ennemi pour décapiter la reine. Mais Kirkman et Adlard s’en sont-ils rendu compte ?
(1) En tout cas la traduction n’a pas enrichi le texte, en faisant dire au personnage « Je me sentais à poil sans lui » (p. 54), là où on aurait pu parler de cuir ou de seconde peau.
Critique du tome 25 ici, du 27 là.