Critique de La Fin des Romanov - Kamarades, tome 1 par WestAnne
Petrograd, 1917. Sur fond de révolution russe, une impossible histoire d'amour, magnifiquement illustrée par Mayalen Goust.
Par
le 15 août 2015
BD franco-belge de Benoît Abtey, Jean-Baptiste Dusséaux et Mayalen Goust (2015)
Et si Staline avait été un agent double du tsar et des Bolcheviks ? Et si Anastasia s'était entichée d'un soldat de l'armée tsariste passé aux Bolcheviks ? Et si les révolutions de 1917 , jusqu'à celle d'octobre, comportaient encore leur part de secrets ? C'est ainsi que se présente en gros le scénario de Kamarades. En héros : Volodia, le soldat passé chez les Rouges. En méchant, devinez qui ? Staline. Alors je veux bien qu'on s'amuse à triturer l'histoire, mais faire passer Staline pour une espèce de marionnettiste capable - déjà - de tous les crimes, ou presque, et éclipsant pratiquement le rôle de Lénine, c'est un peu gros. Surtout qu'il arbore presque constamment un sourire sournois sur le visage, qui rendrait méfiant le plus crédule. Mais non, non, non, tout le monde a l'air de le trouver sympa, alors qu''il est presque écrit "TRAÎTRE et MÉCHANT" sur son front. Et le coup d'Anastasia se mêlant au peuple, tombant amoureuse d'un simple soldat et ayant une influence telle sur son père qu'il en prend une décision politique de grande importance, ça me paraît un peu simplet aussi. Et l'année 1917 passe tout de même à vitesse grand V, si bien que vous avez intérêt à connaître tous les événements qui ont mené à la révolution d'octobre pour vous y retrouver. Voilà, essentiellement, pour les scénaristes, qui ne se sont pas trop trituré les neurones et ont préféré tomber dans le romanesque un peu gnangnan plutôt que de nous livrer une fresque historique vraisemblable (quand bien même elle recèlerait des manigances et des faits secrets, quand bien même s'y insérerait une histoire d'amour).
Découpage classique pour scénario classique, et, allais-je dire, mise en page classique. Quoique... Mayalen Goust se lâche de temps à autre, avec quelques effets qui sortent du cadre, mais on sent qu'elle n’est pas encore assez à l'aise avec le procédé. En revanche, cette patte particulière de dessinatrice, je savais que je l'avais déjà vue quelque part... Mais oui, dans un album pour enfants, Mon lapin Gus, où elle avait fait preuve de beaucoup inventivité sur un scénario là aussi classique ! Et j'ai aimé retrouver sa touche, son travail à l'aquarelle, ses "doubles contours" qui donnent un aspect légèrement flou à son dessin. Et son utilisation de la couleur : son rouge n'est pas là par hasard, elle joue avec les cheveux d'Anastasia comme avec certains détails (une écharpe, par exemple), avec les taches, voire les flaques, voire les mares de sang, pour en faire un leitmotiv de l'album, qui, pour le coup, colle parfaitement au scénario. Il est dommage qu’elle se débrouille un peu moins bien avec certaines expression des visages. J'ai parlé de l'air sournois de Staline, mais que dire des yeux vides d’Anastasia lorsqu'elle parle de Volodia et qu'elle affirme, ses yeux scrutant ceux du lecteur :"Je sais qu'il est en vie" ? On s'attendrait à de l'émotion, et on se retrouve avec un visage inexpressif à la place.
Toujours est-il que tout le plaisir que j'ai pu retirer de la lecture de cet album, je le dois uniquement aux dessins, voire parfois à la mise en page de Mayalen Goust, ce qui ne me va pas. J’étais heureuse de la retrouver dans un registre nouveau pour elle, mais une BD, c'est un scénario, un découpage, une mise en page, une colorisation qui s'entremêlent pour former un tout cohérent et intéressant. Pour l'instant, c'est pas ça qu'est ça, mais voyons la suite...
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Créée
le 24 mars 2019
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