Un élément fantastique simple et ô combien fonctionnel, des dessins éthérés sans plus – on ne les trouvera jamais exceptionnels tout en étant toutefois ravivé par leurs fraîcheurs – c’est sur ces prémices que débute La Lanterne de Nyx. Le cadre y est doucereux, les personnages sympathiques et bienveillants mais surtout… l’Histoire s’y arroge une place de choix. Madame Takahama Kan, plongeant son récit dans le dernier quart du dix-neuvième siècle, trouve moyen, sans nous accabler de références ou de connaissances lourdes d’un poids académiques, de distiller ici et là moult anecdotes historiques savoureuses.


Le trait du dessin comme le ton y apparaissent sous des attributs éminemment féminin ; mais il ne le sont pas de trop. La douceur de vivre, l’humour léger qui fait mouche après qu’on ait baissé sa garde ; tout cela participe d’un récit allègre dont on se rassasie un chapitre après l’autre sans qu’on n’ait trop vu le temps passer. Plutôt que fascinant, l’intrigue est captivante et nous entraîne sans trop avoir à nous tirer par le bras. Il n’empêche, la thématique y est très féminine. L’essayage de robe, le mariage arrangé alors que mademoiselle en aime un autre… même bien présenté avec ce qu’il faut de contexte et de connaissances, un mâle aura parfois du mal à ne pas trouver les pages hermétiques à sa lecture.


Les artifices du dessin font que Miyo ne se rend pas compte que son employeur était d’origine européenne, s’étonnant sur le tard de lui découvrir des yeux bleus. Qu’elle ne put voir ses yeux à travers des lunettes de vue tient en soi du mystère, mais qu’elle ne devina pas une ascendance allogène, alors que le loustic arborait une longue crinière blonde, tient tout de même d’un manque de jugeote flagrant.


Seulement, l’intrigue qui se développe sur le temps long s’avérera autrement moins palpitante que la découverte du monde et de ses créations au travers des yeux de Miyo. On se focalisera plus volontiers sur tout ce qui tient à l’exploration qu’à l’intrigue. La question de l’essor du japonisme à cette époque et la propagation de ses marchandises en direction de l’Occident est ce qui attire le regard et l’esprit ; les personnage en eux-mêmes, sans être foncièrement déplaisants, nous attirent moins à eux que les éléments d’intrigue dont ils se font les rouages.


Momo est par ailleurs un protagoniste trop parfait. Pourvu de toutes les qualités – ingénieux, explorateur, aventureux, généreux, joli garçon, riche au point de se faire mécène – il évolue dans l’intrigue davantage comme un fantasme de son auteur qu’un personnage crédible. Cela m’a en tout cas rappelé le même procédé observé le temps de ma lecture de Thermae Romae. Momo sera, à chaque problème susceptible de surgir, la juste solution disposée à le régler dans l’instant, et avec le sourire. Il en va de même pour Miyo dont les talents d’apprentissage tiennent quasiment du ressort fantastiques à eux seuls. C’est une tare que je retrouve sous les plumes féminines : les personnages, dans leurs récits, sont habituellement trop bienveillants et gentillet. On ne leur trouve aucun défauts à ces hommes comme à ces femmes.


Par ailleurs, j’en attendais davantage du don de Miyo, qu’il soit plus souvent mis à contribution, et à meilleurs escient. Que Takahama Kan ne se soit pas reposée sur cet élément de son œuvre comme d’une béquille, c’est évidemment respectable, néanmoins, c’est en partie pour ce morceau de récit qu’on s’est lancé dans la lecture. On sera resté pour autre chose, mais toujours avec dans l’idée que ce pouvoir se montra d’une utilité dans un contexte donné. Et pour ça, il faut s’armer de patience.

J’ignore si le grief que je formule alors est recevable ; il n’ empêche que mon ressenti m’y conduit.


À partir du deuxième tome, l’histoire entame son rythme de croisière, on ne sera jamais surpris de ce qui viendra ; on l’acceptera sans broncher néanmoins. La trame est bien articulée, mais finalement bien chiche d’éléments pour raccorder les wagons de l’intrigue entre eux. On lit sans bonder, certes, sans s’extasier non plus néanmoins. Les amourettes qu’on y voit ne sont pas oppressantes mais n’écrivent aucune histoire d’Amour à même de vous intriguer. La part de l’intrigue réservée à Kazuma m’aura quand même pas mal plu.


Mon sentiment à l’issue de la lecture est assez mitigé. Je n’ai rien relevé de mauvais à proprement parler, il y a du bon ; exploité avec méthode, mais depuis un minerai pas si prolifique qu’on pourrait l’espérer. La lecture plaira, mais peinera à marquer durablement son lecteur. J’ai apprécié ce que j’ai lu, mais outre les portions inhérentes au commerce nippono-européen ou se rapportant à l’Histoire, je n’en ai rien retenu. Ces demoiselles y seront sans doute plus réceptives, et à raison d’ailleurs ; La Lanterne de Nyx est une œuvre qu’on recommande aux dames de notre entourage, mais pas au tout venant.

Josselin-B
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le 27 sept. 2024

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Josselin Bigaut

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