Cet album reste l'un de mes préférés dans la période Dupuis ; en effet, pour le grand amateur de western que je suis, j'ai pour lui une tendresse particulière parce qu'il me rappelle les westerns de John Ford. Je ne sais pas si ceci était perçu lors de la parution de l'album en 1965, mais moi en tant que fan, je l'avais senti, c'était un hommage aux 3 grands westerns de John Ford sur la cavalerie : la Charge héroïque, le Massacre de Fort Apache et Rio Grande réalisés entre 1947 et 1950, ce qui m'a été confirmé par des interviewes que j'ai lues sur Goscinny et Morris.
Le sujet n'était pourtant pas très drôle au départ : il s'agit des guerres indiennes, mais évidemment vues sous un angle humoristique et pour lequel Goscinny déploie encore des trésors d'imagination. La référence la plus flagrante à John Ford vise le Massacre de Fort Apache, où John Wayne en officier humaniste, s'opposait assez violemment à Henry Fonda qui incarnait un officier ultra rigide qui brimait son propre fils ; Goscinny connait donc ses classiques et impose ce type de personnage en la personne du colonel Mac Straggle, de même que le fameux bal des officiers s'y trouve et deviendra d'ailleurs comme une figure imposée dans des épisodes ultérieurs.
Certains personnages sont exploités de façon amusante, tel Ming Li Foo, prototype de tous les blanchisseurs chinois qu'on rencontre dans les Lucky Luke, de même que Jeremiah Bowler et ses chapeaux troués constitue un autre gimmick rigolo, avec celui du calumet indigeste ou encore les épluchures de patate que le colonel prend soin d'examiner. Les Indiens dans certains westerns, ont souvent été abusés par des Blancs mauvais comme le personnage de Flood, au faciès d'ailleurs ingrat, c'est un méchant classique de western. Quant au personnage du cavalier Mac Straggle, il est plus important qu'on ne croit, et n'est pas simplement qu'un prétexte à gags, car il sauve Luke du poteau de torture et endure les brimades militaires sans sourciller.
Tous ces éléments parfaitement agencés et le dessin toujours égal à lui-même font que cet album est un des meilleurs de la série, en prouvant aisément qu'il n'a pas besoin des Dalton ou de Ran-Tan-Plan pour être bon.