Le Scaphandre Fêlé par belzaran
Le Cil Vert est un auteur de bande-dessinée qui publie essentiellement des strips dans divers magazines (Zoo, Fluide Glacial...) et fanzines. Avec « Le scaphandre fêlé », c'est un récit qu'il nous propose sous la forme d'une introspection autobiographique. L'ensemble fait 68 pages et est publié à la jeune maison d'édition du Stylo Bulle, spécialisée dans les jeunes auteurs issus des blogs et du fanzinat.
Le tout démarre par une page où est représenté le personnage assis sur un fauteuil qui nous parle. C'est parti pour une véritable psychanalyse de l'auteur où angoisses et phobies vont se succéder à un rythme effréné. Car le personnage semble dès le départ sur la brèche, ayant du mal à s'exprimer clairement et à construire son propos. Résultat, les anecdotes sont se succéder sans lien forcément direct (du moins au premier abord). On assiste alors à une alternance entre le personnage qui parle et le récit en lui-même. Le tout est élégamment représenté graphiquement par le tracé des cases qui disparaît pendant les passages « l'auteur parle au lecteur », contrairement au récit où la présentation est plus classique. Malgré un aspect simple, il est clair que l'auteur maîtrise très bien les codes de la bande-dessinée.
Bien que l'histoire et le propos soient particulièrement plombant, l'auteur parvient à amener des touches d'humour salvatrices. Certes, on ne rit pas à gorge déployée, mais entre deux crises d'angoisse, ça fait beaucoup de bien de sourire. Au final, ça donne un ton toujours entre deux. En dédramatisant en permanence, l'auteur évite (un peu) le côté « je m'apitoie sur moi-même ». Un fragile équilibre qu'il parvient à tenir sur la longueur.
Le Cil Vert est donc pétri d'angoisses. Les thèmes sont personnels certes, mais trouveront certainement un écho chez le lecteur. J'avoue avoir eu du mal à accrocher au début du livre. La direction du récit n'est pas évidente, on ne sait pas vraiment où l'on va. Les anecdotes s'enchaînent comme des chapitres peu liés entre eux. Malgré tout, les dernières pages parviennent à unifier le tout de façon assez étonnante, donnant un sens à tout ce que l'on a lu avant. Au final, c'est une belle mise en abîme qui est réalisée ici, avec une subtilité particulière.
Au niveau du dessin, Le Cil Vert possède un trait simple. Le petit format et le nombre de cases par page (neuf en général) empêche toute virtuosité. Cependant, la colorisation en niveaux de gris est particulièrement réussie, donnant du volume et de la personnalité à l'ensemble. L'auteur a un style graphique façon nouvelle bande-dessinée agréable à lire.
Au final, cet album est dans la mouvance autobiographique actuelle. Mais en créant un vrai récit accompagné d'une narration façon psychanalyse, Le Cil Vert parvient à se dégager de la masse. Un peu brouillon dans sa première partie et bien plus prenant dans la deuxième, « Le scaphandre fêlé » est un bon premier album pour un auteur qui est à suivre. A découvrir pour les plus névrosés d'entre vous !