J’ai toujours eu un sentiment ambigu vis-à-vis des insectes : ils me fascinent autant qu’ils me répugnent. Certains sont beaux (le lucane cerf-volant, l’abeille), d’autres évoquent des maladies et/ou sont franchement répugnants (la mouche, le cafard). Si vous êtes comme moi, attachez votre ceinture car, durant la lecture de la BD, vous allez entrer dans la peau des insectes et eux vont tout faire pour nous ressembler.
Ce principe est clairement énoncé dès la première page, qui a été propulsée en couverture de l’album. Quatre amis ou collègues sont accoudés à un bar et celui de gauche (qui pourrait bien être Guillaume Guerse, un des auteurs) s’endort en voyant voler une mouche. Le passage de la page 1 à la page 2 nous fait très subtilement comprendre que ce personnage devient la mouche dont nous allons lire les aventures. Nous ne pouvons pas faire autrement que de la suivre en nous mettant à son niveau et donc en devenant nous aussi une bestiole poilue avec des antennes, plein de pattes et des yeux globuleux. Berk. Il est trop tard pour faire marche arrière, cette première planche / couverture à la présentation rétro mais luxueuse (le dos de la BD est toilé) nous a attrapé aussi efficacement qu’un papier tue-mouches.
La principale étrangeté de « Vermines » se trouve pourtant à l’intérieur. La BD nous raconte le début d’une véritable saga, avec de très nombreux personnages, des histoires de familles, de trahisons, de sexe et de magouilles de notables locaux (il s’agit du tome 1). Pourtant, les personnages sont bien des petits trucs grouillant, volant et vrombissant, qui plus est souvent en intérieur ou pendant la nuit, d’où un certain sentiment d’oppression. Le dessin réussit à merveille l’humanisation de ces insectes, de leurs habits et des décors. Nous pourrions donc aussi bien lire une histoire sur des êtres humains, qui sont ici animalisés pour faire ressortir nos bassesses mais aussi (plus rarement) notre courage.
Si vous avez des doutes sur les intentions et le point de vue des auteurs quant à nos grandeurs et nos faiblesses, vous pourrez lire le petit magazine « Vermine Magazine N°1 » vendu avec l’album. Ouille ! Ah oui d’accord...