Oui mais non mais oui mais non
Parfois, on tombe sur un livre dans un bac à 2€, et quelque chose attire autant que ça pourrait repousser. On décide de donner sa chance. Et alors... tout dépend. Ici, c'est l'omnibus réunissant l'intégralité des aventures de Loo, paumée toute seule, essayant de survivre dans une station spatiale. À première vue, on est subjugué par les décors fourmillant de détails, par tous ces machins robotiques et technologiques, dans un style qui rappelle presque Geof Darrow. Mais il y les personnages avec leurs têtes maladroites rappelant les fanzines de mangas, où l'influence est mal digérée et le talent incertain. Il y a tout de même cet omnibus, qui même si auto-édité, sous-entend une version comics avant ça. Donc, si réédition, peut-être un certain succès. Il y a les participations guest-stars de entre autres, Geof Darrow hymself, Mike Oeming, Chris Sprouse ou Matt Feazell ! Un casting assez classe. Et puis plusieurs préfaces (une pour chacun des trade paperbacks réunis dans ce recueil), dont une de Tony Isabella (ancien de chez Marvel et grand critique du milieu comic) Ça force un peu le respect. Et chacune de ces préfaces soulignait à quel point Paul Sizer réussissait, à partir d'un pitch de départ tout bête (voire n'allant pas très loin), à faire une vraie histoire, prenante.
Peut-être ça vous est déjà arrivé, de tomber sur un livre dont les dessins vous paraissaient pas top, à priori, mais qui soudain, grâce à un super scénar et une intelligence narrative aiguë, prenaient tout leur sens et devenait top eux aussi (l'inverse existant malheureusement aussi). Eh, bien, j'avais envie de croire que ce livre-là était de ceux-ci. Mais voilà... La vérité est que j'ai essayé et essayé et que, oui, mais non.
Dans une autre des préfaces, Kevin A. King, qui s'avère par ailleurs "Lead Librairian in Teen Services at the Kalamazoo Public Library", se remémore des discussions eues avec Paul : tous deux déploraient le traitement des personnages féminins dans les comics et les autres types de médias (cf Lara Croft). Et tous deux se demandaient sérieusement quelle étaient la nécessité des débardeurs moulants ou des bikinis lorsqu'il s'agit de combattre une armée de zombies ninja. Ou bien pourquoi, l'autre rôle phare des nénettes était-il celui de la pose éplorée en l'attente de l'homme à la rescousse. Le personnage de Loo est donc une ado de 14 ans, fringuée street fashion du futur, un peu rebelle et cool, qui se débrouille toute seule. L'idée de Paul Sizer est de prendre le contre-pied du rôle type et agaçant de la gonzesse qui sert juste à émoustiller l'ado pubère. Cette fois-ci, l'héroïne (et c'est ce défend son pote Kevin, afin de proposer de top bouquins au public de son "Teen Service) est plutôt un exemple pour les lectrices. L'idée et le positionnement sont plutôt louables, n'est-ce pas.
Malheureusement, à l'image des visages des personnages, avec ce traits mal fichu d'inspiration manga, la réalisation pèche à trop de reprises. Dans une autres de ces introductions, la jeune Loo est comparée à Buffy, pour son côté apprentissage, pour cette idée du passage de l'adolescence à l'âge adulte. Mais là où la série de Joss Wheddon joue en finesse, avec beaucoup d'humour, c'est comme si LWM (l'abrévation officielle) criait à chaque recoin de page, "je veux être un exemple pour toi jeune lectrice !" Résultat : les personnages sont tous figés dans des caractéristiques archétypales et grossières, avec une mini rébellion très conventionnelle, et toujours le côté moral chiant. Il y a le grand costaud, genre voyou des citées, mais au grand coeur, le papy, vieux maître chinois plein de grandes sentences philosophiques, le papa très riche et pris par son travail, qui se rend compte, qu'il est passé à côté de sa famille, et puis des méchants, bien méchants, contre qui les héros ne baisseront pas les bras, même s'ils doivent enfreindre quelques lois, ce qui n'est pas grave, puisque c'est toujours pour la bonne cause.
Au final, un livre lent, caricatural en dépit de ses bonnes intentions, agaçant parfois, et assez prévisible. Reste un design impeccable (l'oeuvre de l'auteur), des décors classe, et malgré tout un léger petit quelque chose qui donne envie de continuer. Comme on dit, l'important, c'est de participer. La note au dessus de la moyenne, c'est donc pour ça, pour avoir essayé quelque chose, d'avoir eu de l'ambition. Même si ça a foiré.