De la célibattante au crypto-lesbien.
Lost Paradise, avec un personnage principal masculin, aurait été un shônen tout ce qu’il y a de plus classique avec des combats, des filles demandant à être sauvées et un système qui va à l’encontre du protagoniste.
Seulement voilà, le héros ici est une fille, ce qui en fait un « borderline » Shôjo (d’ailleurs sur la vague des couvertures blanches avec des dominantes noires et rouges assez caractéristiques), dont la cible principale est probablement l'adolescente en quête partielle d'identité. Je ne suis pas un grand connaisseur du genre, mais il est intéressant de voir la différence des problématiques et thèmes abordés.
L’histoire se situe dans une école ultra machiste dans laquelle l’homme domine la femme et la relègue au niveau d’objet. Littéralement. En effet, l’homme, en faisant vœux de servir une fille en devient le propriétaire et peut lui faire subir tout ce qu’il veut et la plaçant hors de portée des autres hommes. Il pourra aussi occasionnellement combattre d’autres propriétaires avec une arme incarnée par la fille qu’il possède, et s’il perd, il transfère la propriété de la fille au gagnant.
Là-dessus débarque Sora, l’héroïne, qui fout un peu le bordel vu qu’elle acquiert le même statut que les hommes, et peut donc posséder d’autres filles et ainsi les mettre « hors de portée » des vilains hommes. Elle a aussi une obsession autour du fait d’être le chevalier et de sauver la/les princesse(s) que sont ses petites camarades et, dans cette optique envoie des gnons facilement.
Au fil du récit plusieurs thèmes se dégagent. Le premier, autour de la question des différences des sexes est évidemment le plus récurrent. La perception de soi et de l’autre sexe est au cœur du problème. Le stade de la femme fragile, passive, inférieure, gentille, qui souffre et de l’homme fort, dominant, vil, violent et belligérant s’estompe peu à peu pour laisser place à une description plus ouverte : ce qui fait quelqu’un, ce n’est plus seulement son statut et son sexe, mais son passé et ses expériences et ses traumas, qui forment des souffrances auxquels il adapte sa personnalité et son comportement. Cette réflexion qui est un sujet très important chez l’adolescent évolue donc de « sexes » à « perception de l’altérité ».
Par la suite, la « perception de l’altérité » évolue à nouveau, et l’analyse passe à un sujet plus existentiel, qui est une réflexion sur les différentes rationalités des individus et sur les antagonismes qui peuvent se construire, et notamment parfois des antagonismes qui se construisent sur uniquement le sexe de l’autre, revenant un peu sur le sujet initial. Celui que toi tu percevras comme méchant ne peut finalement pas juste être réduit qu’à cela, etc. Bon jusque-là on enfonce des portes plus ou moins déjà ouvertes, pas de problème.
Là où ça commence à déconner un peu avant la fin fin, c’est que pour l’auteur, il y a cette idée que les différentes rationalités se recoupent et ne sont en fait que des points de vue différents d’une même logique, faisant que l’on peut transcender ces diverses rationalités pour atteindre un même idéal dans lequel tout le monde se retrouve et où c’est la fête tout le monde est content et y trouve son compte. Seulement c’est un peu facile et donc fatalement on en vient à se dire : « tout ça pour ça ? ».
Cela dit d’autres situations évoquent d’autres sujets au cours de certaines péripéties : le déséquilibre dans les relations avec des individus exclusifs, l’homosexualité latente entre femmes (ou parfois entre homme, mais plus rarement) qui peut se développer lorsque l’on établit une relation (de confiance, d’amitié ou de dépendance) forte avec quelqu’un du même sexe, l’équilibre dans les relations avec les autres, etc.
Ce manga est donc pas mal mais a des moments où il déconne complètement en brillant avec des ellipses qui sortent de nulle part ou par des tangentes narratives un peu faciles qui sont toujours un peu surprenante et qui font que la qualité narrative est un peu en dents de scie. Heureusement la qualité du dessin reste quand même au rendez-vous, donc l’on ne perd jamais vraiment son temps.
Enfin tout ça pour dire que j’ai mis du point surtout pour la satisfaction de mon fétichisme d’uniformes avec des collants longs qui est amplement satisfait. Et parce que les relations enflées de tension sexuelle entre filles portant lesdits collants c’est un peu tout ce qu’il me faut.