Vous pouvez retrouver mon avis avec illustrations sur mon blog.
Si je suis du genre à piocher chez tous les éditeurs tant je suis avide de nouvelles découvertes, je dois accorder que le catalogue Ki-oon est celui dans lequel je me retrouve le plus. Je n’ai jamais été déçu par aucun des titres que j’ai essayé chez eux, trouvant toujours une série qui aura su me transporter et même des auteurs et autrices dont j’allais suivre, par la suite, l’évolution.
Magus of the Library fait partie de ces titres que j’ai vu en rayons depuis des années, me promettant toujours que je trouverais, un jour, l’occasion de m’y frotter. Un lot des deux premiers tomes en occasion fut le déclencheur. Je les ai lus d’une traite et j’ai acquis les deux tomes suivants dès ma visite habituelle en librairie.
Magus of the Library a été ma découverte coup de cœur de 2021. Même en relisant les tomes actuellement pour concocter cet avis (qui mijote depuis trop longtemps), l’émerveillement n’a nullement baissé. Je pense qu’on a tous connu ce sentiment avec une œuvre, quel que soit le support : l’impression que, oui, elle nous était destinée, qu’elle est tombée pile au bon moment entre nos mains.
Lors de son arrivée en France en 2019, Magus of the Library a été mis en avant par Ki-oon tant et si bien que c’était impossible de ne pas en avoir entendu parler. Rien que les jaquettes dénotent au sein de la production du manga avec ces dorures qui rappellent de vieux ouvrages comme on en voit dans des bibliothèques de collection. La couverture c’est ce que l’on voit en premier dans un livre. Ceux de Magus of the Library ont su capter mon regard. Fait rare, j’ai d’ailleurs une préférence pour l’édition française à celle de l’édition japonaise. Ki-oon a travaillé la cartouche entourant le titre de la série, ainsi que les fameuses dorures. Cela renforce l’aspect “ouvrage de bibliothèque” qui est totalement adapté au ton de Magus of the Library.
Série qui est d’ailleurs le fruit d’une autrice Mitsu Izumi, qui a œuvré sur d’autres titres accessibles en France tels que Ano Hana et 7th Garden. Je n’ai jamais approché ses autres travaux, Magus of the Library fut donc à la fois la découverte d’une série et d’une autrice jusqu’ici purement inconnue.
Magus of the Library se présente comme un récit initiatique mettant en scène Shio, un jeune garçon adorant les livres. Et l’adoration est un mot encore trop faible pour exprimer toute la fascination que l’enfant éprouve pour ces ouvrages, véritables fenêtres donnant sur des univers dans lesquels il plonge, tête la première. Sauf que Shio est un enfant des faubourgs, qui plus est méprisé pour être né d’un métissage. Avec ses cheveux blonds et ses oreilles pointues, il fait tâche au sein de ce village dont les inspirations ethniques et architecturales penchent vers le Moyen-Orient.
Son exclusion de la société et son affection pour la lecture ne sont pas sans rappeler nombre de protagonistes, dont Bastien de l’Histoire sans fin. Un archétype qui demeure efficace et envers lequel nombre de lecteurs et lectrices peuvent s’identifier. Shio a quelque chose de touchant dans son attraction pour les livres, sa façon de les traiter comme des objets précieux veillant à ne jamais les abîmer (ne serait-ce qu’en versant une larme en lisant un passage émouvant).
L’univers où Shio vit place d’ailleurs les livres au cœur même de leur culture. Ainsi il existe une bibliothèque centrale, située à Afshak, qui renferme tous les ouvrages du continent. Véritable bibliothèque d’Alexandrie, elle est maintenue par des kahunas, dont les rôles sont aussi bien liés à la préservation et restauration des ouvrages qu’à en collecter de nouveaux. Un détachement de kahunas va s’arrêter au sein du village de Shio afin de se renseigner sur un ouvrage possédé par la bibliothèque de la bourgade. L’occasion pour le jeune garçon d’approcher ces êtres qu’il admire et de voir éclore sa nouvelle vocation : devenir l’un des leurs.
Shio va donc devoir se plier à de multiples règles pour pouvoir approcher ce poste, loin d’être accessible à tout le monde. Devenir kahuna est un véritable honneur et le chemin menant à cet emploi est semé d’embûches. Il faut non seulement rassembler de multiples ressources mais, surtout, réussir les examens. Si le premier tome dépose les bases qui vont lancer le grand projet de Shio (et amorcer déjà de grands changements dans sa vie), l’autrice ne va pas se contenter de nous faire directement basculer aux examens. Shio va devoir voyager jusqu’à Afshak, l’occasion pour Mitsu Izumi de nous présenter l’univers de sa série.
S’inspirant de la fantasy, Magus of the Library dépeint un monde aux forts accents de Moyen-Orient avec des animaux exotiques, des lieux tout aussi atypiques et de multiples ethnies possédant chacune des caractéristiques physiques et culturelles. Si Shio dénotait au sein de son village, qu’en serait-il des Creeks affublés d’oreilles de chat ? Le titre se pare même d’éléments géo-politiques en présentant des ethnies très différenciées et des personnages démontrant des fonctions très imposantes.
Si l’autrice ne détaille pas tout le voyage de Shio, elle profite des inter-chapitres pour partager des illustrations et informations sur le lore. Je vous conseille d’ailleurs de soulever la jaquette de vos tomes pour découvrir de nouvelles précisions. L’univers de Magus of the Library est riche d’éléments sans pour autant être surchargé d’informations.
De la fantasy, Magus of the Library emprunte aussi cet émerveillement que l’on confère aux mondes créés de toutes pièces. Afshak n’est pas l’unique ville dédiée aux livres. Ces derniers ont une importance partout où Shio voyage, montrant combien les ouvrages sont des denrées précieuses. En plus des bibliothèques présentes dans chaque ville, certaines bourgades sont dédiées à une activité précise comme une possédant une avenue dédiée aux librairies.
Certains ouvrages ont d’ailleurs des particularités magiques. Nommés grimoires, ils renferment des esprits qui, s’ils sont libérés, peuvent déclencher des cataclysmes. Un élément qui n’est pas sans rappeler les djinns des contes arabes comme celui de la lampe magique d’Aladdin.
Magus of the Library fourmille aussi d’anecdotes au sujet du livre. Le premier tome explique ainsi les origines des livres en débutant par les tablettes qui sont devenus parchemins, etc. Lors de la restauration d’un ouvrage, de nouveaux éléments nous sont expliqués concernant les méthodes exécutées. Non seulement c’est très instructif, mais cela renchérit cette impression que le livre est au cœur de tout au sein de Magus of the Library.
Je suis de ceux qui considèrent que le visuel ne fait pas tout et qu’il est difficile de comparer un mangaka à un autre tant d’éléments entrent en ligne de compte concernant le dessin. Déjà la question du style se pose mais aussi le découpage des planches, l’agencement des cases… Certains versent dans un visuel proche du réalisme, d’autres sur un trait plus épuré. J’apprécie autant Mazaru Katsura (I’’s, Zetman), Oh!Great (Tenjo Tenge, Air Gear, Bakemonogatari), Tite Kubo (Bleach) ou Shuho Satô (Give my regards to Black Jack), et chacun d’entre eux a un style différent.
Dans ses traits et sa composition, Magus of the Library me fait songer à un ouvrage de fantasy. En quelques chapitres, Mitsu Izumi plante l’ambiance de sa série avec ce village orientale dont on retrouve l’essence dans les tenues vestimentaires des personnages. Les expressions sont mises en avant et, c’est peut-être tout bête dit comme ça, les personnages font leur âge. Shio a vraiment des airs de petit garçon au début du tome 1, ce qui rend d’autant plus saisissant son évolution visuelle lorsqu’il devient adolescent. On n’a nullement cette impression d’un enfant coincé dans un corps d’adulte comme cela peut se ressentir dans certaines séries. L’autrice donne même des explications sur son évolution physique, ce que je trouve très appréciable.
Mais ce qui m’a le plus marqué dans Magus of the Library c’est le découpage des cases et l’abondance de doubles pages. Ces dernières sont souvent rares, placées en des moments stratégiques pour souligner l’intensité d’une scène comme des phases de combat et affrontements. Au sein de Magus of the Library, deux doubles pages peuvent se succéder. Cela donne, sur nombre de scènes, un effet “diapositive”. On visualise une première image, on tourne la page : la nouvelle image montre des différences avec la précédente et on a presque la sensation d’un mouvement.
Il y a aussi ces cases remplissant une page entière et des jeux de miroir qui commencent à se tisser entre Shio et un autre protagoniste. L’autrice joue aussi, les concernant, sur les couleurs pour mieux les opposer. Mitsu Izumi maîtrise la mise en scène et c’est rare qu’un découpage me marque autant, et ce dès la première lecture. Bien souvent, elle m’apparaît à la seconde après avoir digéré l’ouvrage.
Il y a tant à dire sur Magus of the Library et j’ai l’impression de n’avoir fait qu’effleurer tant en quatre tomes (seulement quatre !) l’autrice arrive à nous transporter. Moi qui ai toujours adoré les livres depuis mon plus jeune âge, je me suis senti très proche de Shio dans son approche des livres. Même si je ne me montrerais pas aussi inconscient que lui face à certains évènements. Magus of the Library parle des livres, de l’évasion par l’imaginaire et de la transmission du savoir, mais pas seulement. Il y a aussi l’exclusion, la volonté de s’intégrer, la recherche de sa place dans le monde. Devenir kahuna est une tâche ardue, une voie qui peut être libératrice pour nombre de personnes.
Et si vous craignez qu’en quatre tomes on en voit que peu, détrompez-vous. Chaque tome est déjà très conséquent en pages (224 pages dont 312 pour le tome 3 !) et le parcours de Shio est riche en péripéties. Si la série était en pause depuis 2020 en Japon, le tome 5 a été édité l’an dernier et va arriver en mars en France. Une série qui va donc sûrement connaître un rythme lent, parfait pour l’acheter à rythme posé sans trop dépasser le budget. Mais attention : si vous accrochez à la série comme moi, la frustration de l’attente va rapidement vous gagner.