Let's go steady, Molester.
Vous connaissez Onani Master Kurosawa ? Peut-être avez-vous-même eu la chance de pouvoir le lire ? Ce manga amateur doté d’une très bonne réputation sur le web –y compris sur SensCritique- que j’avais commencé à lire quelque peu sans conviction avait fait l’effet d’une bombe chez moi. Il avait touché mon âme. Ce n’est pas un hasard s’il trône maintenant à la deuxième place de mon top BD.
Pourquoi parler d’Onani Master en guise d’introduction ? Simplement parce que c’est à partir de celui-ci que j’en suis venu à lire à son tour Molester Man. En effet, j’avais cru comprendre qu’il s’agissait d’une autre œuvre de l’auteur d’Onani Master Kurosawa alors qu’en fait, seul son dessinateur était impliqué. Vous vous doutez bien que dans ma confusion, j’allais dans un élan d’impitoyable naïveté me jeter sur le manga en question et le dévorer lui aussi. Et vous savez quoi ? Heureusement que je me suis trompé. Bon Dieu, heureusement que mes préjugés n’aient pas pris le dessus si jamais je m’étais aperçu que le scénariste n’était pas le même. Peut-être aurais-je même écarté l’idée de le lire – cette simple idée m’effraie, en vérité. Car oui. Appelez ça une coïncidence de malade mental, une chance inouïe ou même un miracle, mais Molester Man, à l’instar de son frère spirituel, est une arme de destruction MASSIVE. Pourquoi, comment, quelles chances y avait-il pour qu’une œuvre me touche aussi fortement qu’OMK alors que sa lecture n’est à la base due qu’à une erreur de ma part, je n’en sais rien. Mais les faits sont là, dans ma tête et mon cœur : Molester Man m’a bouleversé. Profondément. M’a submergé de sentiments qui se traduisaient, parlons franchement, par d’impitoyables mandales dans la tronche au fur et à mesure de ma lecture. Je m’emporte mais je sens que si je ne le fais pas, je serais incapable de vous transcrire la puissance émotionnelle d’un tel récit.
Bon. Ca c’était la partie où ma subjectivité vous éclabousse tellement fort que même Skip Machine est dans l’impasse. Maintenant, reprenons un peu nos esprits et tentons d’expliquer pourquoi Molester Man, c’est dangereusement trop bien, et que je sais même pas pourquoi je continue cette critique vu qu’en ce moment-même vous devriez être en train de vous jeter sur les scans dispos un peu partout sur la toile, PUTAIN MAIS VAS-Y SUR-LE-CHAMP ESPECE DE-
OK, on se calme pour de bon et on y va.
Déjà ça ne va pas être dur de savoir par où commencer étant donné que y’a comme une carence de synopsis sur la fiche de l’œuvre sur SC. Donc, ouais, de quoi ça parle Molester Man ? Là je vais être chiant et refaire un parallèle avec OMK. Le pitch est effectivement presque aussi tordu que celui de ce dernier. Pour ceux qui ne connaissent pas OMK, sachez pour faire court que ça parle d’un ado dont l’activité favorite est de se satisfaire dans les toilettes de son lycée, jusqu’à ce que des embrouilles lui tombent dessus. Je sais, ça fait pas spécialement envie et c’est le même délire avec Molester Man.
Le manga démarre en fait sur un malentendu. Notre héros, dont on ne connaît pas le vrai nom, comme c’est le cas pour tous les personnages (la raison, j’y reviendrais plus tard), otaku d’une vingtaine d’année, loin d’être laid mais pas vraiment beau non plus, puceau jusqu’à la bouche et sans amis, se trouve sur le chemin de son appartement quand il s’aperçoit que la femme marchant devant lui semble inquiète. Il en vient rapidement à la conclusion que son désarroi est du a un stalker trainant dans les parages. Rattrapant la femme en lui courant après, ce n’est que trop tard qu’il se rend compte que le stalker dans l’histoire, c’est lui. Tentant malgré tout d’expliquer qu’il n’a rien d’un harceleur –avec ce que ça implique comme talent de persuasion venant d’un asocial pareil-, il finira au poste de police. On le relâche néanmoins rapidement, et tout aurait très bien pu s’arrêter là et lui aurait repris son existence de loser si la femme en question, étrangement, ne voulait pas arranger un rendez-vous avec lui le lendemain. Il se trouve que Miss Understanding comme elle est appelée dans le manga est une très jolie jeune fille et Molester (ben oui il est nommé comme ça) est convaincu qu’il s’agit de sa chance pour enfin trouver une petite amie.
Rapidement d’autres personnages vont faire leur apparition, à savoir les copines de Miss Understanding, plus particulièrement Miss Kansai et Miss Loli Jugs. Le cœur du héros se voit vite balancer et l’on suit sa quête sur un mois et demi dans l’espoir de se construire une sociabilité pour, à la clé, pécho. Que ce soit bien clair, Molester Man n’est pas un harem. Ici nous assistons à un récit terriblement réaliste ; à savoir que l’œuvre est inspirée d’une histoire vraie (?) postée sur un forum japonais qui racontait une aventure similaire, et où le narrateur désignait les personnages par des appellations diverses – le mystère des noms qui trainaient depuis trois plombes est donc enfin résolu.
Et à l’instar d’OMK (et ouais, encore), là où Molester Man est un monument, c’est dans ses personnages. Incroyablement vivants, puissants, et surtout vrais. Bien distincts dans leur personnalité et caractère, leur évolution d’une virtuosité ébouriffante permet de mettre en lumière de la plus belle façon qui soit le fait que celle qu’on a dans son cœur n’est pas toujours celle que l’on croit. Molester va au devant de bien d’expériences, de désillusions, de peines et d’espoir et c’est juste fantastique de voir à quel point ce cassos en puissance s’assume et prend confiance petit à petit jusqu’à devenir (à l’occasion hein, faut pas déconner non plus) un pur mâle alpha. Sans vous mentir, je me suis retrouvé à plusieurs reprises en train de m’écrier « AH L’BATARD ! » devant mon écran devant la stupéfiante ressource dont Molester est capable de faire preuve. C’est donc un sans faute au niveau du développement des protagonistes et ça m’aura permis en plus de découvrir ce que je considère comme le meilleur personnage féminin tout manga confondu (mais qui donc ? C’est une surprise).
Mais là où Molester Man dépasse OMK (ET OUAIS) c’est indéniablement dans son humour. Là où OMK déclenchait chez moi tous les cinq chapitres (sur trente-et-un) un vague frémissement de narine, Molester Man m’a fait sérieusement frôler l’asphyxie un nombre de fois beaucoup trop important. Et ça, on le doit à Molester. Quand j’ai parlé de récit réaliste, je parlais du fond ; dans la forme, le manga ne se prive pas de montrer ce qui se passe dans la tête du héros (le monologue introspectif occupe à ce titre une grande place), et c’est bien souvent à pleurer de rire. Entre sa capacité à se torturer l’esprit sur absolument tout et n’importe quoi, même le plus insignifiant des détails, en oubliant pourtant le plus important (au hasard, enfiler son calbute quand on reçoit chez soi des filles) et ses réactions internes complètement disproportionnées que ce soit face à des peines ou des joies, avec le lot de répliques cultes que ça implique (« SHIT JUST GOT MOTHERFUCKING REALER THAN REAL »), Molester est décidément sans pitié avec les côtes du pauvre lecteur. Ajoutez à ça l’introduction relativement tardive d’un personnage totalement loufoque -mais néanmoins précieux- dans son concept et des références judicieusement peu nombreuses mais affreusement tordantes à d’autres mangas comme Dragon Ball ou encore Bleach et vous comprendrez pourquoi je recommande fortement la présence d’un masque à oxygène près de vous si jamais (faites-le) vous vous aventurez à lire Molester Man.
Ce manga n’est pas comme OMK. Il n’est pas honnête. Dans OMK, on sent qu’on n’est pas venu pour rigoler à partir du moment où on attaque le deuxième chapitre. Le héros à une personnalité très sombre, tout comme l’atmosphère qui plane et ce depuis le début. Quelque part, on est préparé à la torgnole qu’on sent de plus en plus inéluctablement arriver. On encaisse. Dans Molester Man, non. L’ouvrage se présente à première vue comme une alternative édulcorée à Onani Master offrant quelques bonnes tranches de rigolade, et à mesure qu’on parcourt les pages, qu’on progresse dans le récit, on est incapable de voir à quel point notre attachement aux personnages devient grandissant, que la barrière du papier a été brisée il y a belle lurette. Les chapitres défilent, les enjeux grandissent, on finit par s’écrier complètement désemparé « qu’est-ce qui se passe ? » mais c’est trop tard, elle a dit la seule chose qu’il ne fallait pas dire et l’on s’essuie les joues comme on peut. Au fond, on n’en n’a même pas envie.
Ca fait trop mal.
22 chapitres. Tous très importants. Certains, comme le 14 ou le 18, ont de fortes chances de vous hanter à jamais. De toute façon ça n’a pas d’importance. Voyez Molester Man comme un tout, une aventure. Personnellement, je me les suis tous enfilé d’un coup. Ce furent certainement parmi les heures les plus intenses de ma vie. Molester Man, c’est beau, c’est fort, c’est la vie et c’est bien ça qui est le plus douloureux là-dedans.
Mais quelque part, il y a toujours la force de se relever. La volonté de ne jamais abandonner. Parce que c’est elle et personne d’autre.
Let’s go steady, Molester.
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