La couverture hautement énigmatique ne nous dit pas si l'on a affaire à un délire sur le Loch Ness ou sur Internet mais donne bien envie d'ouvrir l'album, avec ses tons bleus que semble apprécier l'auteur. Ce dernier a inséré en début et fin d'ouvrage différents textes humoristiques présentant les avertissements "légaux" avant de lire l'album ou un florilège de pages web absurdes illustrant son propos sur Twi(s)tter. De petits bonus qui ne vont pas jusqu'au cahier graphique ou dossier mais sont bien agréables et prolongent l'immersion. Ça mets en bouche et j'aime ça.
Doug MacMurdock vit seul sa maison au bord d'un Loch écossais. Il est misanthrope et photographe amateur en mal de reconnaissance. Le jour où il décide de publier sur le réseau social Twister le cliché improbable d'une créature inconnue son monde bascule dans le grand maelstrom d'un monde médiatique en effervescence...
J'ai découvert Bruno Duhamel sur Le retour, formidable biographie d'un artiste fictif revenant sur son île natale de Santorin. J'ai prolongé le plaisir sur son précédent album Jamais, jouissive rébellion d'une vieille aveugle refusant de quitter sa maison sur le poinds de effondrer avec la falaise... Avec cet auteur on est en terrain connu et l'on retrouve avec son Doug le même caractère bien trempé, un peu anarchiste, un peu violent, à la répartie cinglante et aussi prompt à se mettre dans la crotte que de conspuer les bassesses du genre humain. Certains auteurs nous lassent en donnant l'impression de recycler leur concept thématique et graphique; ce n'est pas (encore) le cas de Duhamel, notamment par-ce que sa passion se ressent à la lecture, avec une énergie que seul un Wilfried Lupano transmet aussi bien dans ses BD. J'avais déjà fait le lien entre les deux auteurs sur le personnage de Madeleine dans le précédent album et ici on prolonge cette proximité d'univers comme jamais: radicalité du personnage, trognes poilantes (le militaire cerné, j'adore!), propos politique subversif... les deux auteurs sont assurément cousins!
Graphiquement c'est très maîtrisé. Son style, issu du dessin d'humour, a évolué depuis quelques albums en s'affinant doucement vers plus de réalisme. S'il aime toujours autant nous pondre des trognes et regards très expressifs, tout est précisément dessiné, premiers comme arrières-plans avec un soucis du détail remarquable et des couleurs vraiment agréables. Duhamel est en outre un excellent scénariste qui gère son découpage très efficacement en jouant sur les césures de case, de page et ellipses qui accentuent les scènes drôles. Il semble tenir à se référer aux bibles de la BD d'humour puisque après le poissonnier d'Asterix dans Jamais, il nous introduit une scène de lama cracheur directement issue de Tintin.
Duhamel est totalement dans le comique de situation, qui fonctionne absolument sur les deux premiers tiers de l'album. Dès que le héros disparaît pour nous montrer les conséquences de sa publication sur Twister on perd un peu l'effet comique pour quelque chose de plus attendu avec l'hystérie collective qui prends les différents groupes militants, avec un message plus ciblé sur Twitter. Du coup, si l'on comprend la nécessité de rentrer dans le cœur de son propos la machinerie comique se grippe un peu, ce qui m'empêche de laisser le cinquième calvin de notation que j'envisageais un long moment. On n'est donc pas loin du chef d'oeuvre sur la première partie, grâce à une succession de scuds verbaux et la constance du personnage à assumer son radicalisme. Si vous adorez le Pierrot des Vieux fourneaux précipitez-vous en écosse pour tâter la barbe de Doug. Si Madeleine est sa sœur, Doug est son fils spirituel!
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