R.I.P est une porte d'entrée formidable pour qui veut découvrir l'univers si dérangeant, morbide et comico-cynique de l'auteur suisse.
Chirurgien plastique de la bande dessiné, Thomas Ott se sert de son cutter comme un plasticien de servirait de son scalpel, pas le droit à l'erreur, il tranche trop profond, il peut tuer son support.
Cutter parce qu'il utilise un moyen d'expression (tout en silence) à base de carte à gratter, moyen d'obtenir des dessins où le noir est dominant, où les expressions faciales sont exacerbés à mort, ce qui donne lieu à des ambiances mortuaires, funèbres, où la mort est présente dans chaque page, la mort qui est un sacré un petit troll d'ailleurs!
La majorité de ses album (en tout cas ceux que j'ai pu lire : R.I.P, t.o.t.t) sont des ensembles d'histoires courtes, qui peuvent aller de 30 pages au grand maximum à une seule page, voir 5 ou 6 vignettes, qui peuvent être des relectures du film noir à la Hitchcock, en passant par le film de zombie, ou une relecture bien personnelle du conte d'Alice au pays des merveilles!
R.I.P est aussi un formidable manuel pour apprendre à zigouiller son mari! et nous racontes une magnifique histoire d'amour qu'une femme retrouve grâce aux miracles de la chirurgie esthétique, la fin est somptueusement glauque !
Au delà des délires que l'auteur s'accorde, l'univers de Thomas ott n'est pas totalement gratuit, chaque histoire présente une sous lecture, une morale, un moyen d'expression labyrinthique, il nous présentes les portes de son monde, à nous lecteurs, de trouver la clé pour en ouvrir chaque recoin. On s’aperçoit très vite que ses planches sont truffés de détails, pas forcément visibles aux premiers coup d’œil (essentiellement des chiffres surtout, thématique du chiffre aboutira dans son album 73304-23-4153-6-96-8 ), c'est là où l'absence de mot est un véritable atout, la relecture se fait sans ennui, et surtout, laisse une liberté infinie à l'auteur, comme au lecteur.
Et puis c'est difficile d'imaginer ses histoires avec des bulles, tout l'effroi passe par l'absence de mots des personnages, leur bouche grande ouverte, leurs yeux écarquillés, les non dits (comme le final de Cinema Panopticum), les personnages sont seuls, livrés à eux même...
Un dernier mot sur les dessins, de toute cette noirceur, de cet apocalypse visuelle , R.I.P dégage une certaine beauté, un rayon de lumière, à peine perceptible, à l'image du cutter qui gratte sur le noir pour en faire éclater le blanc, je pense à ce récit, très court, d'un soldat qui marche sur une mine, un récit très fort visuellement, pourtant, ce flashback, avec cette impression de découpage foudu, qui m'a rappelé les taches d'encres des images de Rorschach, est d'une beauté folle à mes yeux, les images restes horribles, mais ce petit moment est un de mes préférés de tout l'album.
Et avant qu'on me dise, je peux pas l'acheter, il n'est sorti qu'en anglais :snif: ! Y'a pas de dialogue, jetez vous dessus, surtout que l'édition est magnifique!