Je distingue deux types de BD parmi les très bonnes. D'une part, les œuvres de grandes classes - communément appelés chefs d'oeuvre - où je sais s'être pris une énorme claque en tournant la dernière page, où je suis sous le choc de ce que je viens de lire et admirer, où je ne pense à rien la BD refermée entre les mains pour essayer de prolonger le moment de lecture. Typiquement, ce sentiment s'empare de moi après chaque lecture de Born Again par Miller. Et puis d'autre part, il y a ces BD peut-être moins profondes, moins recherchées, mais diablement efficaces, à tel point que je veux immédiatement les relire juste après, pour retrouver ce moment de fun et de rêverie. Les meilleurs tomes de Lanfeust font partie de cette seconde catégorie : Castel Or-Azur, le Secret des Dolphantes... Désormais je peux rajouter Tseu-Hi la gardienne à ma liste.
Il y a tout les éléments qui ont fait de Lanfeust une référence de l'héroïc-fantasy.
- un héros aux goûts simples qui, par son sens de la responsabilité, accepte de se battre pour les siens
- un duo de guerrier redoutable avec Hébus
- un humour qui fait mouche tout du long de l'aventure (avec un sens du running-gag, du jeux de mot foireux, des blocs narratifs ironiques, et cerise sur le gâteau de l'humour troll)
- l'omniprésence de la magie et en particulier à travers les pouvoirs des personnages secondaires pour enrichir en permanence le folklore du monde et avancer intelligemment dans les péripéties
- un méchant puissant antithèse du héros
- de l'action avec parcimonie
- une bataille finale et un duel (en l’occurrence magique) avec l'antagoniste
- des personnages dont l'évolution est passionnante -> en l’occurrence on peut citer doublement Cixi!
- un sérieux et un certain dramatisme qui rappelle que Lanfeust n'est pas une parodie d'héroïc fantasy : certaines conséquences du meurtre de Nicolède, le craquage mental d'un des sages devant les enfants dépouillés de leur vie mentale
- un twist qui donne envie de se jeter sur le tome suivant
Par ailleurs, le personnage de Tseu-Hi rajoute une intrigue annexe bienvenue qui s'étale sur l'album, avec une révélation sur la fin dont je ne sais encore quoi penser, et pour préparer certainement un plan d'Arleston.
Le dernier atout de ce tome, et pas des moindres quand on parle de bande dessinée, demeure le retour en forme de Tarquin qui livre son premier album intéressant du cycle, une oeuvre plaisante à regarder - comme pour le tome précédent - mais dont les dessins apportent une vrai plus-valus sur certaines scènes. J'avais fini par perdre espoir dans le dessinateur qui me fait mentir sur ce huitième tome (mais bon je n'excuse pas pour autant les 4 premiers hideux, ratés et fainéants de Lanfeust Odyssey)