La – chouette, sans doute la plus réussie de la série – couverture de l’édition française annonce la couleur : le Capitole, ça veut dire que ça va débattre, parler, et que la politique va pointer le bout de son nez. Et pour cause, Un monde parfait est particulièrement bavard.
Je crois avoir dit ailleurs à quel point je regrettais le côté explicite des dialogues de certains épisodes. Or, ici, à l’exception de la scène initiale un peu forcée – on avait compris – entre Rick et son fils, on ne parle pas pour ne rien dire. Il s’agit de savoir qui on a en face de soi, ou à côté de soi. Les personnages étant devenus trop nombreux pour que l’exercice du pouvoir et sa conquête se résument à une violence plus ou moins marquée et plus ou moins bien dirigée, on retrouve au cœur de l’épisode deux personnages dont l’éloquence est la principale arme : Eugene dont le secret finit par être mis au jour, et Monroe le politicien-né.
Par conséquent, le point faible de la série – les dessins – est moins marqué, parce que ce n’est pas là-dessus qu’on évalue un récit politique ou diplomatique.


Et puis en tant que lecteur, il est plaisant d’être véritablement sollicité. En présentant ouvertement et immédiatement Alexandria comme une communauté en grande partie coupée de la réalité du groupe de Rick – en l’occurrence, leur seule réalité jusque là, c’était la question de la survie –, la fin d’Un monde parfait ne revient pas seulement sur la rupture entre l’ancienne société et le monde d’après les zombies : elle apporte aussi son lot d’intrigues « de palais ». Or, les intrigues de ce genre, lorsqu’elles sont bien (a)menées, garantissent une forme d’immersion qui change de la contemplation plus ou moins passive par laquelle le lecteur pouvait aborder les scènes d’action « pure » ou les conversations platement psychologiques.
Il aura sauté aux yeux de tout le monde que la réadaptation des douze nomades n’est qu’apparente. Ce qui est moins évident – et plus intéressant –, c’est l’ambiguïté contrôlée de la plupart d’entre eux : sur-adaptés à la survie extra muros, ils ne sont pas pour autant inadaptés à la vie dans l’espace clos d’Alexandria. (On ne peut pas en dire autant de la plupart des sédentaires, dont l’épidémie a à peine menacé le mode de vie.) L’ivresse simulée de Glenn lors de la réception en est le symbole, tout comme la méfiance des personnages principaux – Rick, Abraham, Michonne, même Morgan et Andrea…
Seul Carl, en tant qu’enfant, reste naturel, et reprend, à ce titre, le statut de l’enfant dans la plupart des intrigues « de palais » des fictions états-uniennes, c’est-à-dire un représentant symbolique des adultes qui en ont la charge : il suffit de relire cette scène, un peu appuyée mais révélatrice, dans laquelle une chamaillerie de gosses manque de causer un incident diplomatique.
Avec ce douzième tome, Walking Dead commence à déborder du strict cadre de la série d’aventure.


Critique du volume 11 ici, du 13 .

Alcofribas
7
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le 28 févr. 2017

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