Lele Vianello fut l'un des assistants d'Hugo Pratt. La manière avec laquelle il écrit le scénario et les personnages ainsi qu'avec laquelle il dessine sont donc très proches de la façon de faire du maître. C'est d'ailleurs Vianello qui aurait dû, en toute logique, reprendre le personnage de Corto Maltese, et non le duo Juan Díaz Canales et Ruben Pellejero, parachutés semble-t-il uniquement pour des raisons pécuniaires... Mais revenons à Vianello.
Je ne connais l'existence du bonhomme que depuis peu, en étant tombé par hasard en librairie sur ce que je pensais être un inédit de Pratt, « Le Fanfaron », tant la ressemblance graphique était trompeuse. En regardant bien, nulle trace du nom de Pratt sur la couverture, à la place celui de Vianello, donc, et j'ai dû me rendre à l'évidence : il y avait bien quelqu'un capable de dessiner comme Pratt.
On trouve peu d'informations à propose de Vianello sur internet, et je n'ai hélas pas les compétences pour lire sa fiche Wikipédia existant seulement en italien. Difficile de savoir si les albums édités (avec soin) chez Mosquito sont des rééditions ou des éditions originales. Difficile donc de savoir quand ont réellement été créées ses œuvres.
Je suis donc tombé récemment sur la dernière BD de Vianello publiée chez Mosquito : « Une Île lointaine », publiée en janvier 2019, sans trop savoir s'il s'agit d'un tout nouvel album ou d'une réédition. A voir les quelques maladresses du trait, je dirais toutefois qu'il s'agit d'un nouvel album. Vianello n'étant plus tout jeune, on peut comprendre que son coup de crayon soit parfois hésitant.
Pour autant, je ne voudrais pas laisser l'impression que cette BD est mauvaise, c'est d'ailleurs tout le contraire, on ressent l'ambiance des albums de Pratt, avec ce héros, lointain cousin de Corto, ici nommé Julian Drake. Un marin roublard cherchant à se sortir d'une mauvaise passe. On retrouve ce mélange de gravité et de légèreté, cette ironie, cette nonchalance, le tout dans un univers exotique, parmi les îles du Pacifique.
Bien sûr, ce n'est pas aussi bon que les meilleures œuvres du maestro, mais pour ce qui semble être plutôt une œuvre « sur le tard » de Vianello, nous avons affaire ici à une BD accomplie. Malgré les grandes cases typiquement « prattiennes » qui font que les 60 pages se lisent rapidement, Vianello sait ménager un rythme à son histoire, avec un début, un milieu et une fin, cette dernière arrivant de façon harmonieuse, sans être trop abrupte.
Et quel plaisir de revivre un instant cette atmosphère si particulière, ce goût pour l'aventure dans des contrées reculées, avec notre héros malicieux. Et puis le fin mot de l'histoire vient donner un peu de panache, et révèle chez Vianello un goût pour l'humanisme digne du Pratt des grands soirs.
Pour tous les orphelins de Pratt, c'est donc vers l’œuvre de Vianello que je vous invite à vous tourner, si vous souhaitez revivre les grands moments du maître, agrémentés de la sensibilité propre à son digne successeur.
Critique à retrouver sur mon blog ici.