Nouvelle chronique BD, aujourd’hui du côté d’un ouvrage paru récemment chez Des ronds dans l’O, Zátopek de Jan Novák et Jaromír 99. Une alliance donc entre un écrivain, traducteur et documentaliste tchèque célèbre en sa contrée (Jan Novák), et un dessinateur tchèque également qui monte fort ces derniers temps et qui rafle successivement les prix, album après album, en République Tchèque (Jaromír 99, ou plutôt Jaromír Švejdík). Une alliance qui vient d’accoucher d’un roman graphique entièrement dédié à l’un des plus grands sportifs de tous les temps, le coureur Emil Zátopek. Lettres it be a mis ses baskets et vous en dit un peu plus.
La bande-annonce
C'est précisément en repoussant constamment les limites de son propre corps que l'athlète tchèque est devenu le phénoménal coureur à pied que l'on connaît et un des sportifs les plus célèbres de l'histoire. Sa victoire sur le 10 000 mètres et sa deuxième place sur le 5 000 mètres aux Jeux olympiques de Londres en 1948 n'étaient qu'un début. Trois médailles d'or à Helsinki quatre ans plus tard et un triplé resté inégalé depuis ont fait de lui une légende. C'est pourtant un succès plus important encore qu'il a alors remporté en contraignant le régime communiste à autoriser la participation aux Jeux olympiques de son collègue Stanislav Jungwirth, initialement sanctionné pour des motifs politiques. Le scénario signé Jan Novák et la réalisation visuellement enivrante de Jaromír 99 nous font revivre quelques-uns des plus grands moments de la carrière d'Emil Zátopek ainsi que sa rencontre avec Dana, l'amour de sa vie.
L’avis de Lettres it be
« C'est à la frontière de la douleur et de la souffrance qu'un garçon devient un homme »
Décidément, le coureur tchèque n’en finit plus d’attirer l’attention des artistes, en particulier les écrivains et dessinateurs. Alors que Jean Echenoz lui avait dédié un livre entier (Courir, paru en 2008 aux éditions de Minuit) et qu’un peu plus tôt, en 2006, le coureur était aussi au centre d’une BD réalisée par Coucho et intitulée Zátopek, les années Mimoun (Editions 6 pieds sous terre), voilà que notre duo tchèque s’empare du destin de cet homme né à Kopřivnice en Tchécoslovaquie en 1922. Une volonté de consacrer des dessins entiers à un homme issu d’une famille terriblement protectrice et qui n’aurait pu jamais courir et enflammer les stades de toute l’Europe en faisant tomber, tour à tour, les plus grands records.
Pour réussir à développer et finaliser cet ouvrage, le dessinateur Jaromír 99 s’est donc rapproché d’un auteur tchèque célèbre, connu également pour ses essais documentés. De quoi fusionner le sérieux et l’application de romancier avec l’inventivité du dessinateur. Il en résulte un ouvrage intéressant sur bien des points, qui retrace la vie de l’aspirant chausseur Zátopek, employé après ses études dans la grande entreprise Bata. L’employé modèle revient au sport peu de temps après son entrée dans l’entreprise, contre le gré de son entourage, voire contre le sien. Ses performances se font remarquées l’histoire dans la grande Histoire commence là. De la biographie dessinée à l’ouvrage référence pour les amoureux de la course à pied, ce livre répond à nombre d’attentes et ne manquera pas d’intéresser de nombreux lecteurs, de tous bords et de tous horizons. Le ton est juste, les dialogues peut-être un poil nombreux et n’apportant pas tout le temps une plus-value certaine à l’ouvrage. Un petit détail qui ne rebute jamais vraiment : on poursuit sa lecture, on poursuit les tours de piste et les entraînements relevés de Zátopek, jusqu’à ses premiers émois amoureux où le sport se conjugue alors au pluriel.
Mais la grande force de ce livre, le gros point positif qui donne à la lecture une dimension tout à fait particulière est à trouver du côté de la forme de ce roman graphique. Il suffit d’en juger par la couverture : chaque planche, chaque case est dessinée à la manière des anciennes affiches que l’on pouvait trouver du côté du bloc soviétique. Seulement quatre couleurs servent à illustrer cet album, avec des dominantes rouges, bleues et blanches (tiens, tiens, le drapeau de la République Tchèque, comme un hommage sur planche au coureur mort à Prague en 2000). C’est vraiment joli, inspiré et inspirant, et cela tend à prouver qu’il n’est pas forcément nécessaire d’avoir recours à moult couleurs, moult nuances pour arriver à un flamboyant résultat.
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