Un manga multi-thème et réaliste à en être brisé de l'intérieur.
Etant moi-même malentendant, lire un manga sur la surdité et le handicap dans le milieu scolaire fut à la fois une surprise et une joie, compte tenue du tabou que pose le Japon envers quiconque ayant des difficultés à s'intégrer dans la société. J'ai tout d'abord lu le one-shot, puis l'intégralité de la série. S'ensuivirent plusieurs jours de pure mélancolie tellement ce manga m'a bouleversé.
Tout le monde est d'accord pour dire que se moquer du handicap, c'est pas bien. Et ça s'arrête là. Quid du comment ou du pourquoi ? Yoshitoki Oima a les couilles non seulement de briser le tabou du handicap au Japon mais également de dépeindre le moindre obstacle rencontré par Shouko, malentendante de naissance et porteuse d'appareils auditifs. La curiosité de ses camarades de classe, menés par Shouya, se mue peu à peu en taquinerie, puis en impatience avant d'aboutir à un rejet total. Leur professeur hypocrite, lui aussi a bout, ne dit mot avant de désigner Shouya comme tête de turc. La naïveté d'une enseignante l'empêchera d'être suivie par les autres dans ses efforts pour intégrer Shouko. La mère de Shouko est excédée face à la passivité de sa fille. Shouko elle-même ne se rend pas compte de ses limites, comme l'illustre l'incident de la chorale. Eh oui : dans ce manga, tout le monde est à blâmer. Les situations sont extrêmement noires mais presque jamais sans raison.
Ce manga est également l'histoire d'une repentance. Si vous avez pleuré sur Shouko, attendez-vous à être surpris par Shouya. L'ex-petite brute, une fois sa classe retournée contre lui, est à son tour victime de harcèlement et, les années passant, lutte contre ses démons. Comment prouver que l'on a changé ? Comment s'excuser et se faire pardonner de la personne que l'on a injustement rejeté ? Comment croire de nouveau en l'amitié après avoir vu ses amis se retourner contre nous du jour au lendemain ? Fans de Jean Valjean, ce manga est pour vous.
L'une des forces de ce manga est également sa palette de personnages aux caractères certes bien souvent clichés (le justicier aveugle, la déléguée pleine d'illusions naïves, la mère cherchant à donner à sa fille de quoi répondre aux autres, la *insérez ici un gros mot dépréciatif* directe et franche à en être insultante) mais jamais identiques du début à la fin.
On pourrait être tenté de dire que la surdité de Shouko n'est qu'un point de départ, un prétexte pour bouleverser la tranquille vie d'une salle de classe et la mettre à l'épreuve de l'intégration d'une personne différente. C'est cependant bien plus que cela puisque le problème du handicap est l'un des moteurs constants de "A Silent Voice". Moteur dont pas une seule pièce n'est oubliée tant tout ce qu'il y a autour de la surdité est bien décrit. Appareillage auditif, langue des signes, difficultés de prononciation...absolument rien n'est oublié.
Le seul point négatif que je trouve à ce manga est une certaine longueur. Yoshitoki Oïma fait souvent tourner l'intrigue en rond et inclue des sous-intrigues relativement peu liées au sujet principal. L'ambition dont elle fait preuve ne peut cependant pas être ignorée et ces passages se lisent sans problèmes. Ceci est le point de vue de quelqu'un ayant crié à de nombreuses reprises "MAIS EMBRASSEZ-VOUS BORDEL !" (parce que oui, la romance est plus que sous-entendue) ainsi que diverses insultes adressées à beaucoup de personnages. C'est vous dire à quel point ce manga est prenant.
"A Silent Voice" est noir mais néanmoins tellement bon que je ne veux pas divulguer plus d'intrigue. Préparez-vous seulement à plonger dans les abîmes d'une réalité car ce manga n'est que cela : une histoire qui mérite à être connue de tous de par son originalité et son réalisme.
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