Mise en bouche idéale dans l'univers de Nihei, incursion dans la vallée de l'étrange, mais aussi plongée en eaux sombres dans l'une des créations SF les plus étrange existante, Abara ne laisse pas indifférent.
Au travers d'un coup de crayon nerveux et brouillon et de traits noirs ultra saturés, un univers malaisant apparaît. Derrière ce griffonnage intensif, on y découvre un monde gothico-cyberpunk où des constructions filiformes se dressent sans réelle logique architectural. Les humains tentent de mener une vie normale dans ce monde, mais l'apparition d'êtres monstrueux, des Shirogauna, massacrant tout sur leurs passages, les amènent à la panique.
Mais il existe une légende narrant l'existence d'êtres semblables à ces créatures faites de vertèbres et d'os, les Kurogauna, et qui serait capable d'en venir à bout. En suivant plusieurs personnes dont les histoires vont s'entremêler, les contours de la vérité apparaîtront ils ?
Si il y a une chose dont on doit faire de suite l'éloge, c'est bien le travail ironiquement monstrueux sur les apparences des créatures, dont les contrastes dévoilent chacun de leurs os. Certaines pages donne la pose à ces êtres démoniaques dont on peut admirer toute la complexité de détails.
Le rythme est, cependant, complexe à tenir au début. En effet, Nihei prends un malin plaisir à ne presque jamais communiquer avec son lecteur, le laissant ainsi seul responsable de l'assemblage du puzzle scénaristique. L'action, parfois illisible soyons honnête, reste quand même diablement énergique et use d'une violence sans nom pour rythmer des affrontements bestiaux.
Le format one shot laisse très peu de temps pour développer ses personnages, mais permet d'être concret et d'aller droit au but. Ceci laisse donc un immense théâtre pour laisser libre accès à la rage de ces proto-chainsaw Man à la carapace indestructible.
Sans entrer dans de grandes thématiques, Abara ne cherche pas à raconter une histoire transcendant le genre même de la dark SF, et reste modeste dans son objectif : offrir de superbes combats dans de nombreux paysages cauchemardesques.
Au fur et à mesure que l'humanité semble se consumer dans ces grandes citadelles vides, on observe donc son extinction inexorable pendant que ces êtres surnaturels se livrent à des affrontements sanglants.