Quand on apprend que le dessinateur Guarnido, qui nous livre dans le même temps l'une des sagas de polar BD la mieux foutue de cette décennie, a travaillé en tant qu'animateur chez Disney, on ne peut que lâcher un sourire en coin. Parce que l'univers d'animaux anthropomorphes fleurant bon le polar noir et l'Amérique des années 50 est effectivement très "Disneyéen" dans ses faciès qui arpentent ses cases. C'est en cela que beaucoup apprécie Blacksad, grâce à un travail d'ambiance extrêmement bien foutue, où chaque case est remplies de pléthore de détails sublimés par la peinture et où chaque visage débordent d'expression et délivre une foule d'informations en à peine un coup d'œil. Si l'on ajoute à cela cet amour inconsidéré pour la culture polar/policier qui émane de chaque case, couplée à un montage cinématographique rythmé qui fait que l'on dévore un tome en à peine vingt minutes, on se rend compte d'à quel point cette saga est une référence indispensable à tout amoureux de bande dessinée. À eux deux, le scénariste Canales et Guarnido dépoussière les plus grands maux de l'Amérique, allant du racisme jusqu'à la chasse aux communistes, de la peur de l'arme atomique jusqu'à la corruption judiciaire, et dépeigne un portrait fort peu flatteur mais Ô combien réel.
Ce troisième opus est, à ce jour, l'un de mes préférés des six volumes actuellement parus. Il arrive à trouver un délicat équilibre en véritables moments de poésie mélancolique et scènes d'action intense et sublimement dessiné. Alors que la chasse aux communistes n'en est à qu'à ses débuts, c'est pourtant sur fond de Mccarthysme qu'une véritable traque envers douzes penseurs communistes se lance. Blacksad sent cette fois la pression monter d'un sérieux cran, puisque l'enjeu est cette fois ci mondial et pourrait amener son pays à sombrer dans une guerre totale. Le personnage de Otto Liebber, représentation de Albert Einstein, synthétise toutes les peurs et regrets d'un homme de science qui aura accompli des actes absurdes en croyant servir du bon côté, et ne saura jamais en mesure d'acquérir le pardon de ses pairs.
Un tome sombre, mélancolique, poétique, et toujours MON tome fétiche de la saga.