Quand le silence trouve enfin sa voix

Annie Sullivan & Helen Keller de Joseph Lambert, c’est un peu comme une partition jouée en silence : subtil, émouvant, et profondément immersif. Cette bande dessinée retrace l’histoire fascinante de la jeune Helen Keller, sourde et aveugle, et de sa préceptrice obstinée, Annie Sullivan. Ce qui aurait pu être une simple biographie devient sous la plume de Lambert une œuvre visuellement inventive et narrativement poignante.

Le récit explore la relation entre Helen, prisonnière de son isolement sensoriel, et Annie, déterminée à briser cette cage invisible. Lambert alterne habilement entre les points de vue, notamment celui d’Helen, représenté par des cases sombres, abstraites, et dépourvues de sons ou d’images familières. Cette approche immersive te plonge dans l’univers intérieur de la jeune fille, te faisant ressentir à quel point le langage et la connexion humaine sont des miracles qu’on prend souvent pour acquis.

Le dessin est à la fois simple et sophistiqué. Lambert utilise un style épuré mais expressif, capturant les émotions des personnages avec une précision désarmante. Les séquences où Helen commence à comprendre le concept des mots et des objets sont magnifiquement mises en scène, mêlant abstraction et clarté avec une maîtrise impressionnante. Chaque page est une leçon visuelle en soi.

Le scénario, bien que fidèle aux faits historiques, prend quelques libertés narratives pour accentuer les tensions et les triomphes des protagonistes. Annie Sullivan, en particulier, brille comme une figure de résilience et de dévouement, mais sans être idéalisée. Ses propres blessures et frustrations ajoutent une couche de complexité au récit, humanisant son combat pour aider Helen à communiquer.

Si l’on doit reprocher quelque chose à cette œuvre, c’est peut-être sa brièveté. Certains aspects de la relation entre Helen et Annie mériteraient d’être approfondis, et la fin, bien que satisfaisante, semble arriver un peu trop vite. On en redemande, mais peut-être est-ce là le signe d’une œuvre qui a su captiver.

En résumé : Annie Sullivan & Helen Keller est une bande dessinée à la fois éducative et émotive, portée par une narration inventive et un dessin qui touche au cœur. C’est une célébration du langage, de la connexion humaine, et du pouvoir de l’éducation, le tout servi avec une sensibilité rare. Une œuvre à découvrir, que tu sois amateur d’histoires vraies ou simplement curieux de voir comment une BD peut capturer l’invisible.