Après la pluie
7.4
Après la pluie

Manga de Jun Mayuzuki (2014)

Douce est l'innocence de l'adolescence

Vous pouvez retrouver mon avis avec illustrations sur mon blog.

Après la pluie est un titre dont j’entendais parler depuis bien longtemps en des échos plus que flatteurs. La série est souvent présentée comme excellente de par son écriture et ce, sur une thématique qui pourrait être sujet à un traitement malaisant. Elle est aussi le premier titre de Jun Mayuzuki qui, depuis, s’est illustrée avec Kowloon Generic Romance, série toujours en cours avec huit tomes à son actif, et plusieurs courts récits regroupés au sein d’une anthologie. Dans ses thèmes de prédilection on notera la présence des romances adultes, du statut de la femme, de la société actuelle ou encore la sexualité. Pour ma part, Après la pluie m’a tant conquise que je me suis acquis l’anthologie et j’espère pouvoir en faire de même avec Kowloon Generic Romance.


Mais quel est ce fil rouge qui maintient Après la pluie sur dix tomes ? Le sentiment amoureux, rien de moins, mais sous une forme bien singulière. Akira Tachibana, dix-huit ans, a un petit boulot au sein d’un restaurant familial tout ce qu’il y a de plus commun, voire un peu désuet. La jeune fille, encore lycéenne, s’est éprise du gérant des lieux, Masami Kondô, un homme de quarante-cinq ans. Si sa collègue critique l’homme du fait de son âge et de son physique (il sent l’eau de Cologne pour vieillards), Akira n’y trouve que du charme. De toute sa pureté de jeune fille découvrant l’amour, elle va trouver le courage d’avouer ses sentiments à l’homme, ne voyant nullement le mal dans ce qu’elle éprouve.


Tourne le manège des sentiments


Avec le temps, je m’éloigne beaucoup de ce que l’on nomme l’age-gap, autrement dit ces œuvres où les deux personnages entretiennent une relation et ont un grand écart d’âge (environ dix ans). Bien souvent, cela se traduit par l’un des personnages est majeur, l’autre mineur. D’autant plus quand cela inclut une situation où la personne majeure (souvent l’homme) va pouvoir avoir l’ascendant sur sa partenaire (souvent féminine), comme c’est le cas avec les relations professeur/collégien ou lycéen par exemple. Autant dire qu’Après la pluie aurait pu être un véritable casse-gueule, mais ses prémices m’ont surprises positivement. La confession et l’attirance se font du côté de Akira. Qui, à son jeune âge, n’a pas éprouvé une forme d’admiration envers un aîné ? Qui n’est pas tombé amoureux de quelqu’un de plus âgé que lui sans songer à mal ?


Kondô essaie d’ailleurs d’établir des distances avec Akira ou, du moins, de lui faire prendre conscience de ce que ses mots impliquent. L’homme tente d’arracher à la jeune fille des explications sur ses sentiments, essayant de balayer tout élément amoureux. Une jeune fille de son âge ne peut pas aimer un quadra. Elle doit se tromper dans le choix de ses mots. S’ils se mettaient ensemble, les gens pourraient croire qu’il l’entretient. Akira désarme chaque propos avec franchise. Elle représente un être pur qui vit à fond sa passion, se moquant bien des aprioris. Contrairement à ses camarades, elle apprécie les mascottes qui n’ont rien de mignon, l’eau de Cologne que porte celui qu’elle aime, et n’est pas rebutée par son début de calvitie.


Face à tant de candeur, Kondô, lui, s’interroge. L’homme est loin de ceux qui se seraient vantés qu’une « jeunette » le trouve séduisant. Bien au contraire la situation le gêne. Il a beau être divorcé, Kondô ne recherche pas à établir une nouvelle relation. L’homme s’est enfermé dans son train-train quotidien entre la gestion du restaurant et s’occuper de son garçon lorsque c’est son jour de garde. Akira est celle qui va, sans le vouloir, donner un coup de pied dans tout cela. Certes, il a plus de quarante ans. Mais lui aussi n’a-t-il pas une passion dissimulée quelque part, quelque chose qui fait battre son cœur ?


Afin de narrer tous les questionnements sentimentaux de Kondô et Akira, Jun Mayuzuki décide de raconter leur quotidien, montrant aussi bien leur évolution que le cycle des saisons. En plus du duo principal, le casting est complété par les autres employé.e.s du restaurant, ainsi que les quelques camarades de Akira au lycée.


L’occasion aussi bien d’apporter quelques touches d’humour mais d’aborder aussi les tourments des autres protagonistes. Yui, collègue féminine de Akira, est un petit rayon de soleil qui veut se donner à fond pour conquérir celui qu’elle aime. Ses piètres talents en coiffure sauront l’occasion de rire de sa maladresse mais aussi d’éprouver sa volonté à toute épreuve. Ryôsuke Kase, l’un des cuisiniers, se présente, lui, comme un personnage qui pose un regard caustique sur les sentiments de Akira, allant jusqu’à marchander le silence de la jeune femme. Heureusement les actes de l’homme ne vont pas trop loin, mais bien assez pour éprouver, envers lui, du mépris. Quelques apports sur son propre cercle intime permettent d’apporter quelques nuances, sans pour autant excuser son comportement.


Au lycée, et même en dehors, Akira croise plus d’une fois la route de Haruka, amie d’enfance dont elle s’est éloignée depuis un incident. Suite à une course éperdue de Akira pour rendre son téléphone à un client, on apprend ainsi que la jeune fille est blessée à la cheville. Elle était auparavant membre du club d’athlétisme, et véritable championne à la course. Une mauvaise chute aura raison de sa passion et de ses rêves l’amenant à se réfugier… au restaurant où elle fera la rencontre de Kondô. Ce simple flash-back permet de poser les bases d’une attirance qui a débuté simplement. Voyant la jeune fille seule à sa table, attendant que la pluie cesse, l’homme lui a offert une tasse de café… et un tour de magie.


C’est aussi cette simple scène qui donne son titre à la série. Comme le dira Akira, alors qu’elle boit un café en compagnie de Kondô : « Vous êtes toujours là pour me sauver les jours de pluie ». Que ce soit pour la rattraper un parapluie à la main, l’accueillir dans le restaurant, l’homme l’aide et ce, sans aucune arrière pensée. La pluie lie ces deux êtres, venant s’inviter au moment le plus opportun. Elle est aussi l’expression des sentiments qui se tissent entre eux, devenant même un typhon pour mieux les emporter.


D’un trait, tout lier ou briser


Jun Mayuzuki distille les mots et les images avec un trait délicat et un découpage qui sait aussi jouer sur les aprioris. Je pense notamment à la fin d’un tome qui laisse planer le doute (comme je vais le faire pour conserver la surprise). Kondô est malade chez lui, seul dans son appartement. Alors qu’un typhon s’abat sur la région, quelqu’un frappe à la porte. Echevelée, inquiète, Akira attend sur le seuil. Le tome se conclut sur Kondô laissant entrer Akira et refermant la porte. Une scène qui a tout d’une retrouvaille amoureuse et qui signe aussi l’entrée de la jeune femme dans l’intimité de son supérieur. Ce qui ne peut que susciter de multiples interrogations du côté du lectorat.


Jun Mayuzuki nous amène à observer les détails et à en profiter. La rupture amoureuse de deux protagonistes secondaires sera ainsi observée de loin, sans aucune bulle. La scène défile, en cases horizontales occupant toute la page. Il y a une volonté de la part de l’autrice de saisir les mouvements par un découpage case à case, mais aussi de s’arrêter sur un détail, un geste presque anodin. Les sentiments de Akira nous semblent improbables car ils s’adressent à quelqu’un qui n’est pas de son âge. Mais leur naissance et leur expression a quelque chose de touchant. Celle qui paraît si froide aux autres (elle a la réputation d’avoir le regard dur), a des instants de jalousie, se conduit comme les jeunes filles de son âge malgré ses faux airs d’adulte. Akira se laisse à croire à une rumeur comme quoi un certain item obtenu au gashapon porterait chance en amour, par exemple.


L’autrice ne néglige nullement Kondô, abordant avec lui cet instant où on a l’impression de s’enliser au sein de l’âge adulte. Comme Akira s’épanouissant auparavant dans la course, l’homme avait une passion qu’il cache, un peu honteux sans pour autant s’empêcher d’y revenir. Peu à peu, la présence d’Akira va l’amener à s’y replonger et s’y épanouir. J’apprécie d’autant plus Kondô qu’il se conduit comme la figure mature qu’il doit être. Il veille à poser des barrières envers Akira sans pour autant mépriser ses sentiments. L’autrice dépeint des moments très touchants du point de vue de Kondô qui ont aussi quelque chose de déchirant. Parfois l’homme s’imagine ayant le même âge que Akira. Comment se serait-il conduit alors ? Akira réveille en lui un passé presque précieux, inaccessible, celui de la pureté des adolescents qui vivent sans se soucier du regard des autres.


En résumé


Concernant la finalité de Après la pluie, sans entrer dans les détails, elle continue dans la lignée du récit et offre une conclusion qui s’accorde avec le ton de la série. Que ce soit Akira ou Kondô, tous deux ressortent de cette expérience avec de nouveaux projets, métamorphosés. Jun Mayuzuki a su parler de l’amour et de l’attirance sans tomber dans d’affreux pièges telles que les blagues déplacées ou un comportement indécent de la part d’un des personnages. Kondô n’use jamais de sa supériorité en tant qu’aîné et Akira n’est jamais présentée sous les traits d’une jeune fille usant de ses charmes. Après la pluie est un titre poétique, avec des instants de douceur mais aussi de tourbillons d’émotions. Un titre qui mérite les éloges qui l’entoure. Personnellement, j’ai pu approcher la série grâce au catalogue de ma médiathèque. Peut-être aurez-vous la même chance ou craquerez-vous pour un achat.


Si vous souhaitez voir la série sous un autre format, ou pour rallonger le plaisir, sachez que le titre a été adapté en anime (une saison de 12 épisodes) disponible sur ADN. Et comme beaucoup de mangas orientés tranche de vie, Après la pluie a été décliné en film et en drama.

So-chan
9
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Créée

le 12 mars 2023

Critique lue 35 fois

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So-chan

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