(*Une parenthèse liminaire et linguistique, pas longue qu’on se rassure,

en latin, le participe futur « victuri », à la différence du morituri de la citation, peut être compris de deux façons, puisque le même mot peut être dérivé de deux verbes différents : vivere (vivre) et vincere (vaincre) ; en l’occurrence, les deux significations conviennent aussi bien pour Astérix gladiateur :

- Victuri / ceux qui vont vivre, pour les gladiateurs de l’histoire, qui seront effectivement les grands bénéficiaires de l’histoire (qu’on est en train de spoiler allègrement), après la révolte très pacifiste et très bon enfant d’Astérix et d’Obélix ;
- Victuri / ceux qui vont vaincre, parce qu’en réalité les premiers grands bénéficiaires de l’ouvrage seront bien Goscinny et Uderzo. Avec ce quatrième opus, premier énorme succès, la série est en route pour la gloire. On ne l’arrêtera plus.

Fin de parenthèse pédante).

Le succès d’Astérix gladiateur est largement mérité (et il en sera de même pour les 5 albums suivants, tous très bons et produits sur une période d’à peine deux ans)..

D’abord parce qu’il installe définitivement le principe des héros voyageurs. Certes une première sortie en dehors de la Gaule avait déjà eu lieu – chez les Goths, avec de multiples passages de frontières. Mais la connaissance des populations gothiques restait très limitée – très cruelle, et s’exprimant en caractères … gothiques.

Cette fois, on arrive à Rome (où tous les chemins d’ailleurs conduisent), au cœur de l’empire :

• Rome et son forum (mais l’itinéraire touristique restera très modeste),
• Rome et ses bains, avec la scène culte du plongeon d’Obélix dans la piscine – que l’on retrouvera plus tard ,
• Rome et ses H.L.M. (Habitations Latines Mélangées),
• La gastronomie romaine,
• Et bien sûr les jeux du cirque, panem et circenses, qui permettent à Uderzo de proposer de très belles vignettes – la tribune impériale avec la minuscule silhouette de César en plein centre lors de l’ouverture des jeux, les premières publicités avec hommes sandwiches, la course de char trépidante (parodie réussie de Ben Hur, après dans la première partie, une parodie des galères), la débandade des lions, l’entrée des gladiateurs et leurs salutations (« Morituri … »), les jeux de société , ni oui ni non et charades, remplaçant les combats à mort :

- Toi, le Thrace, de quelle couleur est le sable ?
- Il est clair.
- Tu as dit blanc !
- Ah non ! ah non ! je n’ai pas dit blanc.
- Tu as perdu ! Tu es éliminé !
- Pardon ! J’ai le droit de demander ma grâce à César.

Révolte certes bien plus pacifiste que celle de Spartacus – et César retombera d’ailleurs, tant bien que mal, sur ses pieds : « le peuple est content … j’aime que le peuple soit content. »

Au-delà de son panorama romain et de son accumulation d’anachronismes, tous bien venus, Astérix gladiateur accumule trouvailles et réussites :

- la grande histoire à l’intérieur de la petite : pour la première fois, Jules César (qui n’existait que comme silhouette dans les premiers albums) tient un rôle important dans le récit ; et la présence à ses côtés de Brutus, «Tu quoque fili », confère encore à son personnage un certificat d’authenticité ;
- la première apparition des pirates de Charlier et Hubinon, Barbe Rouge, Triple Pattes et Baba (ce dernier en hors champ), pour le gag récurrent le plus emblématique de la série,
- la première apparition également du marchand phénicien Epidemaïs, que l’on reverra, sorte de Senhor Oliveira da Figueira de l’antiquité, Goscinny connaît bien son Hergé ; et de même que la publicité apparaît avec les jeux du cirque, de même Epidemaïs invente-t-il les soldes ;
- la collection de casques inaugurée par Obelix,

… et surtout la place primordiale accordée à Assurancetourix, offert en cadeau (modérément apprécié) à César et autorisé à cette occasion à proposer un véritable récital de toutes ses meilleures chansons (du moins de leur début), à la façon d’une grande tournée, selon les lieux où il est transporté :

♪ « Ils ont des casques ailés, vive les Celtes … », « Massilia de mes amours … » dans la forêt,
♪ « Il était une petite galère, il était une petite galère, qui n’avait ja-ja-jamais navigué, ohé, ohé » dans … la galère,
♫ « C’est le petit vin blanc, qu’on boit sous les dolmens … » en prison,
♪ « Salut ô mon dernier Latin … », « Jolie fleur de pa-pa-pa, jolie fleur de patricien … » dans l’arène, face aux lions ♪ ♫ ♪

Il n’aura pas droit pour autant au banquet final.

En route vers la gloire …
pphf
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le 14 mai 2014

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pphf

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