Avec Atar Gull ou le Destin d'un esclave modèle, Fabien Nury et Brüno nous livrent une fresque à la fois sombre et envoûtante, où les chaînes de l’esclavage se mêlent aux liens de la vengeance. Préparez-vous à une plongée dans un récit aussi impitoyable qu’élégant, où le trait graphique de Brüno fait résonner chaque émotion comme un coup de fouet.
L’histoire débute avec Atar Gull, un esclave capturé en Afrique et vendu à un riche propriétaire de plantation. Ce héros, d’abord d’une dignité stoïque, cache une colère froide qui ne demande qu’à exploser. Si vous pensiez lire un simple récit historique, détrompez-vous : Atar Gull est avant tout une tragédie personnelle et universelle, où chaque sourire dissimule une cicatrice et chaque regard porte un poids insoutenable.
Graphiquement, Brüno frappe fort. Son style épuré, avec des aplats de noir saisissants et des formes anguleuses, confère à l’œuvre une intensité presque théâtrale. Chaque case est pensée pour frapper l’œil et l’âme, avec un contraste saisissant entre la beauté des paysages et la dureté des événements. L’élégance visuelle ne masque jamais la violence du propos, mais l’amplifie d’une manière quasi hypnotique.
Fabien Nury, quant à lui, s’attaque à des thèmes profonds comme la condition humaine, la résilience, et l’idée que la vengeance, bien qu’alléchante, finit toujours par nous consumer. Son écriture, précise et acérée, nous fait osciller entre fascination et inconfort, comme si l’on assistait à une tragédie grecque transposée dans l’enfer de l’esclavage.
Cependant, l’album n’est pas sans ses petites limites. À force de s’appuyer sur la froideur et la maîtrise du récit, il peut manquer de moments de répit ou d’introspection plus nuancée. Certains lecteurs pourraient aussi se sentir écrasés par l’intensité permanente de l’histoire, qui ne laisse que peu de place à l’espoir ou à la lumière.
En résumé, Atar Gull ou le Destin d'un esclave modèle est une œuvre magistrale qui allie la rigueur historique à une narration implacable. Un récit qui frappe fort, tant par sa forme que par son fond, et qui laisse une empreinte indélébile, comme une cicatrice qu’on choisit de ne pas oublier.